Liberté : Comment avez-vous reçu la nouvelle de cette expédition punitive ? Nadia Kaci : Je ne me souviens plus de la manière dont m'est parvenue la première information. Je me souviens juste de ma révolte et de mon impuissance. C'est violent. ça vous secoue de recevoir une telle nouvelle. Je me souviens aussi que les femmes étaient présentées comme des prostituées. Dussent-elles l'être, ma révolte est la même. Cette affaire est révélatrice d'un état des lieux de la barbarie. Avez-vous essayé de connaître les suites de cette affaire ? En 2002, une amie est venue de Genève. Elle m'a parlé de la création d'une association “20 ans barakat”, pour les 20 ans du code de la famille. Elle avait demandé qu'on réfléchisse sur les supports de la campagne. Elle nous a dit qu'il fallait faire du bruit pour qu'il n'y ait plus de Hassi-Messaoud. Il fallait travailler pour obtenir la protection des femmes par la loi. C'est à la suite de cela que le code de la famille a été amendé. Aviez-vous des nouvelles des victimes de Hassi-Messaoud ? De temps en temps, par le biais d'une amie qui les recevait. Elle nous disait comment ça se passait pour elles. Pouvez-vous raconter la rencontre avec Rahmouna et Fatiha ? J'ai demandé leur accord pour faire le livre. C'était difficile. J'ai longuement parlé avec Rahmouna au téléphone. Je lui disais : “Tu me raconteras ton histoire.” Ensuite, c'est elle-même qui disait “notre livre”. La rencontre s'est déroulée en deux temps : la première en juin 2009. D'abord à Alger, puis à Oran dans un appartement. Je n'ai vu que Rahmouna parce que Fatiha était au terme de sa grossesse. Je voulais attendre que son bébé ait grandi un petit peu. Je les ai retrouvées toutes les deux en juillet. Finalement, la parole est venue facilement ? Assez facilement pour Rahmouna. Fatiha a eu plus de mal. Son traumatisme est beaucoup plus important. Physiquement, elle a été plus atteinte. La parole s'est fluidifiée au fil des jours. Je leur lisais les articles de presse que j'avais gardés. Elles ont sorti aussi des documents, des dossiers médicaux, des photos. Elles ont gardé des choses étonnantes. Elles sont très contentes d'avoir fait ce livre. C'est la première fois qu'elles racontent leur histoire de cette façon. ça donne un peu plus de perspectives. Qu'est-ce qui, de votre point de vue, a rendu possible une telle tragédie ? Pendant des années, ces hommes entendaient parler des femmes enlevées, violées et torturées. Mais ils n'ont jamais entendu parler de la condamnation des auteurs de ces actes. Ils se sont sentis encouragés...