À l'occasion de la commémoration du 50e anniversaire des essais nucléaires français à Reggane, le président de l'association 13-février-1960, M. Abderrahmane Lagsassi, est revenu dans cet entretien sur les conséquences de cet événement douloureux. À la question de savoir dans quel esprit la population de la localité de Reggane commémore ce 50e anniversaire, M. Lagsassi dira que “c'est dans la douleur que ce genre d'événement se commémore, car notre population a vécu le martyre à cause du nucléaire français. Notre population a payé le prix fort puisque bien après l'indépendance nous continuions d'enterrer nos morts emportés par la radioactivité”. Il ne manquera pas non plus de réitérer la position de l'association qu'il préside. Il indiquera que l'association est contre les indemnités qui vont en direction des personnes. L'association réclame des indemnités pour toute la localité. Selon M. Lagsassi, “toute la population de la région s'est félicitée de l'information faisant état de l'indemnisation des victimes, mais ces indemnités ne seront acceptées que si elles concernent toute la localité, car si la France prétend qu'elle a causé le drame à des personnes uniquement, il faudra qu'elle sache qu'elle a plongé, à travers ses essais nucléaires, toute une région dans le chaos. D'ailleurs nous ne voulons pas de leurs indemnités, nous réclamons l'environnement comme il nous a été laissé par nos aïeuls, je veux dire bien avant leurs essais nucléaires”. Au sujet des victimes qui percevront des indemnités, M. Lagsassi répond qu'“il n'y a pas de quoi être heureux de percevoir des indemnités financières au moment où nos victimes sont venues et classées bien après celle des vétérans des essais nucléaires et les populations de la Polynésie, alors que c'est notre population qui en a souffert la première, qui a servi de cobaye à la course à l'armement des français. Et comme je tiens à vous signaler que notre combat ne se limite pas à l'argent que les français prétendent nous donner. Notre lutte consiste en la reconnaissance que ces essais sont un crime contre l'humanité. Et que la prise en charge des victimes des retombées soit permanente, car ce n'est pas en payant une pension à une victime que la France jouira du droit de se laver les mains des crimes odieux qu'elle a commis sur notre population”. Après le long combat pour la reconnaissance des victimes de ces essais nucléaires français à Reggane, l'association 13-février-1960 aura-t-elle atteint ses objectifs ? M. Lagsassi affirmera sans détour que “notre combat pour ces victimes n'a pas encore atteint ses objectifs, car il nous reste encore à faire du chemin. Notre but est la prise en charge totale de toute la région qui souffre encore de ces essais. D'ailleurs, je vous invite à visiter une demeure où l'occupant utilise encore du fer récupéré du champ d'essais comme poutre pour le toit de la maison, pour s'apercevoir que la menace est encore vivace et elle a de beaux jours devant elle. Alors notre objectif est de désinfecter et de décontaminer toute la localité et la récupération de tout le matériel irradié. Comme nous tenons à vous rappeler que nous militons pour la construction d'un hôpital spécialisé dans le traitement de toutes les pathologies causées par les essais nucléaires”. Pour ce qui est du rôle joué par l'association depuis sa création, M. Lagsassi rappellera que “depuis la création de cette association en 1997, celle-ci mène un combat sans relâche pour nous en tant que membres et citoyens de cette localité. Notre combat pour les droits des victimes ne s'arrêtera pas là. Nous continuerons le combat. L'association reconnaît le rôle et l'apport de la presse nationale qui a joué un rôle important dans le sens de la reconnaissance de ces victimes. Comme je tiens aussi à remercier les députés de la chambre basse du parlement qui ont ramené le débat dans les hautes structures de l'Etat”.