Pas moins de 900.000 personnes étaient occupées par le secteur informel en 1996. Ce chiffre a dû doubler depuis. La session du Cnes aura à se pencher les 13 et 14 de ce mois sur un dossier pour le moins épineux, il s'agit du secteur informel. Le document, dont nous avons obtenu une copie en exclusivité, s'intitule «Illusions et réalités». Il dresse un bilan alarmant sur une situation qui n'a pas cessé de se dégrader à la faveur de conjonctures extrêmement favorables à ce genre d'activités illégales mais qui ne demandent qu'à «se fondre dans le secteur légal», pour peu que les conditions idoines leur en soient fournies. Ce secteur, relève ainsi le rapport, emploie pas moins de 22 % des personnes actives, avec une croissance annuelle de pas moins de 2 %, ce qui est fort inquiétant pour un pays censé vouloir fonctionner selon les règles strictes de la bonne gouvernance, édictées par les institutions financières internationales. Encore que ce chiffre ne semble être que la face émergée d'un immense iceberg, comme en témoigne le fait que seuls 68 % des registres de commerce ont accepté de se faire réimmatriculer sur les 626.781 qu'est censé en compter le pays. Le Cnes, institution connue pour son sérieux et la rectitude de ses vues, a refusé en revanche de s'aventurer sur les sables mouvants des chiffres approximatifs, auxquels l'on peut faire dire ce que l'on veut sans risquer le moins du monde d'être démenti. C'est notamment le cas de la fraude fiscale qui «prive le Trésor public de ressources importantes et fausse les règles d'une saine concurrence entre les opérateurs économiques». Le rapport, sur ce chapitre, relève l'achat et la vente sans facture, axe important qui se traduit par «une opacité des transactions commerciales et des circuits de distribution ainsi qu'une forte rétention de la Tva». Il est également fait état de «l'utilisation de plus en plus répandue des prête-noms, des locations de registres de commerce et des procurations, venues aggraver le niveau de la fraude fiscale et contribuer directement à la prolifération des faux redevables, des détenteurs fictifs de registres de commerce et de la masse de contribuables non localisés». Le document met également en avant la fraude douanière ainsi que la contrebande. Rien qu'en 1998, la valeur des saisies opérées, qui ne doivent représenter qu'une infime partie des produits sortis ou entrés illicitement, a atteint la valeur astronomique de 9,1 milliards de dinars, une somme qui représente le triple du budget de fonctionnement de la douane algérienne. La contrefaçon, loin d'être en reste, représente, elle, une valeur de 519 milliards de dinars. Pas moins de 55 00 entreprises spécialisées dans l'import-import et les activités de vente en gros, l'une et l'autre fonctions allant presque toujours de pair, ont vu le jour à la faveur de l'ouverture de l'économie de marché. En vrac, des cas mirobolants de fraude liés à cette activité sont cités dans le rapport. Le transfert illicite de fonds par le biais de surfacturation, l'acquisition de produits de qualité douteuse et la déclaration frauduleuse des quantités ou de l'espèce de produits (cas des déchets ferreux et non ferreux) (...) le contournement des mesures de limitation d'âge frappant les véhicules et le bénéfice d'avantages fiscaux importants rattachés à la cylindrée des véhicules a donné naissance à des filières spécialisées dans le trafic de vrais-faux documents à partir de pays non signataires avec l'Algérie de conventions d'assistance administrative (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Suisse). Le rapport, qui s'étale très longuement sur le phénomène, propose également des solutions ne pouvant être atteintes que dans le long terme et grâce à des mesures courageuses que les pouvoirs publics doivent être en mesure de mettre en chantier le plus vite possible. La session du Cnes doit également se pencher sur le rapport de conjoncture du second semestre de 2003, avant de se pencher sur un dossier relatif à la «configuration du foncier, avec ses contraintes inhibant le développement», puis un autre traitant des «exigences de mutation du système d'information économique et social», sous la forme d'une contribution au débat national qui a lieu présentement.