La pièce et les accessoires contrefaits inondent de plus en plus le marché et provoquent de graves préjudices à l'économie et au consommateur. Les séminaristes ne le disent pas clairement. Mais ils le sous-entendent : la corruption gangrène le marché de la pièce de rechange contrefaite à plusieurs niveaux de gestion. Hier, lors d'une journée d'étude organisée à l'hôtel El-Aurassi par la Direction de la concurrence et des prix (DCP) d'Alger, en collaboration avec l'Association des concessionnaires algériens (AC2A), les intervenants ont tenté de situer, chacun à son niveau de responsabilité, les graves préjudices de ce contentieux et les moyens de lutter, voire de juguler, ce phénomène. Le ministre du Commerce, El-Hachemi Djaâboub, a admis que la pièce Taïwan tue encore nos automobilistes et cause un manque à gagner aux principaux acteurs et autres opérateurs économiques qui activent dans ce circuit. Ce marché est, par ailleurs, miné par des dysfonctionnements tels que le commun des mortels ne pourrait situer ou établir la responsabilité des uns et des autres. Car, au-delà des chiffres avancés, il est évident que d'autres circuits, non identifiés dans le discours du ministre, exercent la même activité au vu et au su de tout le monde. Aucune ville d'Algérie n'échappe à ce commerce informel dénoncé en amont, mais pas en aval dès que les importateurs indélicats activent en toute quiétude. Le chevauchement de prérogatives entre les ministères des Transports, de l'Intérieur, des Finances et du Commerce, dans la gestion du marché automobile en Algérie, vient se greffer aux multiples contraintes qui empêchent les services compétents d'intervenir et de freiner cette catastrophe à la source, c'est-à-dire à l'importation. La pièce de rechange est assujettie à la gestion du risque avant de passer par trois circuits : le rouge, l'orange et le vert. Si le ciblage des containers ne donne rien, les services compétents passent à un contrôle a posteriori. Et dans d'autres cas de figure, les services des douanes se trouvent face à des situations délicates, comme celle de ne pas remettre en cause les documents des DCP qui autorisent l'introduction des marchandises aux ports. Le vice de procédure est également au niveau des registres du commerce et des prête-noms, comme il a été souligné par M. Djaâboub. Sinon comment expliquer que des quantités impressionnantes de pièces Taïwan inondent le marché sans qu'il y ait une saisie systématique du produit. Car, au niveau des douanes, la protection des labels, une fois l'administration saisie par l'opérateur ou les concessionnaires, est quasiment automatique dès que des enquêtes sont enclenchées à tous les niveaux, à commencer par l'Institut national de propriété industrielle (Inapi). Et là, expliquent les douaniers, une alerte est donnée à toutes les unités afin de contrôler la conformité du produit convoyé par d'autres circuits et de procéder à sa saisie. Autre problème de fond, malgré la dénonciation sans cesse de présence de pièces contrefaites, après analyse et étude, jamais un plaignant n'a prouvé ou situé la faille mécanique ou électronique exacte. D'où l'absence de poursuites pénales. Pour le moment, une première solution s'impose et l'association AC2A, représentée par son vice-président Mourad Oulmi, compte la prescrire dans les recommandations de cette rencontre. Il s'agit d'aller vers une liste d'opérateurs agréés de concessionnaires et d'importateurs de pièces de rechange afin de réduire le champ d'intervention des contrefacteurs. Mais cela ne suffirait pas, commente notre interlocuteur. D'ailleurs, d'autres intervenants, comme Mohamed Siad, estiment que les pouvoirs publics devront aller vers la formule de “gros”, pas dans le sens commercial mais fiscal, afin que le client ou autre détaillant se fasse délivrer une facture en bonne et due forme. Laquelle facture se veut comme une garantie contre toute éventualité de contrefaçon. En ce sens, les pouvoirs publics devront, à ce moment-là, assainir les registres du commerce et sévir contre toute opération accomplie avec un prête-nom. M. Djaâboub rappellera, dans le même sillage, que son département a débusqué 52 000 opérateurs économiques indélicats, sur les 92 000 recensés au Centre de registre du commerce (CNRC), soit 40% des acteurs qui se rebellent contre les dispositions de la loi de finances complémentaire (LFC-2009). Ces derniers sont désormais interdits de toute opération d'exportation et d'une quelconque participation aux avis d'appel d'offres. Cette journée d'étude, à laquelle ont pris également pris part les représentants des services de sécurité, a eu le mérite de lever le voile sur un business qui profite à des barons puissants. Victime des dispositions de l'Organisation du commerce (OMC), dont la fluidité de circulation des marchandises et la réduction des contrôles des importations à un taux maximal de 7%, l'Algérie subit de plein fouet les dégâts d'un marché qui ne touche pas seulement la pièce de rechange, mais l'ensemble des produits de large consommation.