En conditionnant l'avènement d'une relation algéro-française sereine par le départ de la génération de Novembre du pouvoir en Algérie, Kouchner commet une erreur basique, en faisant fi d'une évidence : il ne peut y avoir de crise ou de relation tendue qu'entre deux protagonistes au moins. On ne sait plus si Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, est “encore PS” ou “désormais UMP”. Mais apparemment, il n'a rien oublié du sport favori de la gauche française, celui-là même que la France de feu Mitterrand a pratiqué envers l'Algérie, deux septennats durant, jusqu'à l'usure : le “droit d'ingérence”, cher à ce même Kouchner. En conditionnant l'avènement d'une relation algéro-française sereine par le départ de la génération de Novembre du pouvoir en Algérie, Kouchner commet une erreur basique, en faisant fi d'une évidence : il ne peut y avoir de crise ou de relation tendue qu'entre deux protagonistes au moins. Une telle erreur procède évidemment d'un postulat erroné, celui-là même qui consiste à considérer qu'en France, “la page est tournée” et qu'en Algérie, “les rancœurs restent vives”. Pourtant, avant ce projet de loi initié par des députés FLN et qui se propose de criminaliser le colonialisme, il y eut bien cette Loi du 23 février bel et bien votée à l'Assemblée française et qui trouvait des “aspects positifs” au colonialisme. C'est que, au pays de Kouchner, l'Histoire pèse encore autant qu'en Algérie. On le voit encore, par exemple, quand Marine Le Pen évoque le sujet. Elle n'est pas de la génération de son père, mais elle pense et parle comme lui, tout comme Kouchner, même converti au sarkozisme, pense et parle comme Mitterrand. Question d'héritage, donc. Sauf qu'en l'espèce, l'héritage n'est ni familial ni partisan. Il est dans la mémoire collective et, c'est connu, le propre de la mémoire est de transcender les générations. Certes, il est courant, depuis quelques années en Algérie, d'entendre dire que le moment est venu pour les tenants du pouvoir de passer le témoin à la nouvelle génération et la réflexion est judicieuse. Mais cette proposition est faite dans le cadre d'un débat algéro-algérien et Kouchner, par conséquent, ne peut y prendre part au nom de son attachement, réel ou supposé, à une “relation apaisée” entre les deux pays. Celle-ci est une affaire engageant les deux Etats et non pas les personnes au pouvoir de part et d'autre. Encore moins les uns sans les autres, comme suggéré par le chef du Quai d'Orsay.