A l'évidence les effets à moyen et long terme de la crise financière vont infléchir les modèles de croissance des économies réelles des grands pays et même des pays à revenu intermédiaire comme l'Algérie. Les enseignements devront en être tirées pour la conduite de notre propre modèle de croissance. Voyons les quelques premiers signaux qui en témoignent. A tout seigneur tout honneur commençons par le tout nouveau premier exportateur mondial la Chine. Sa nouvelle ambition est celle de remonter rapidement les filières des gammes technologiques industrielles aptes à l'export. Ella a déjà, pour ce faire, l'appui et le soutien implicites de la Corée du Sud dont elle absorbe en retour les produits technologiques plus sophistiqués que les siens. Rappelons, pour illustrer cela, que la Corée du Sud s'est invité dans le club très fermé des pays exportateurs d'industries électronucléaires en battant sur un des marchés du Golfe le groupe français Areva Suez .D'une certaine façon, le Japon aussi a tout intérêt –avec le cycle de déflation dans lequel il est entré- de rejoindre cette logique d'échanges gagnant- gagnant. Conséquence cette logique d'intégration asiatique fera de ce continent la première locomotive économique mondiale dans les deux prochaines décennies. En revanche, l'Euro land, en dépit d'une monnaie unique, peine à trouver un projet économique et social commun. Les pays de l'Union européenne, notamment les plus puissants, tentent de trouver, à défaut d'une gouvernance économique unifiée cohérente, des solutions nationales. L'Allemagne d'abord qui vient de perdre son statut de premier exportateur industriel mondial, tente de sauvegarder par tous les moyens la compétitivité de ces produits. En témoigne par exemple la position inédite du puissant syndicat IG Metall qui a refusé les augmentations salariales pour maintenir la compétitivité à l'export des produits allemands. L'Italie dont l'économie basée sur un tissu de PME extrêmement réactives, tente de retrouver ses segments de marché à l'international dans les industries à technologie moyenne. Contrairement à ce qu'on aurait pu penser la croissance de la France est tirée plus par la consommation domestique que sur ses exportations pour les quelles elles trouvent des difficultés à les développer face à la concurrence asiatique mais pas seulement. Les Etats-Unis résistent mieux à la contraction de la demande mondiale car la consommation tire leur PIB à raison de 75%. Au plan énergétique l'utilisation des techniques non conventionnelles pour la production de gaz les rend en 2010 autosuffisant avec les conséquences que l'on subit sur les prix de vente spot du gaz naturel liquéfié ( GNL). Chez nous les inflexions du modèle de croissance dont il est question nous renvoient en partie au débat des années 70 sur le choix modèle du modèle d'industrialisation : exportations tout azimut ou substitution aux importations. On ne peut pas refaire l'histoire : la Corée du Sud, dans des conditions historiques particulières, a choisi le premier et elle a réussi, l'Algérie avait commencé à choisir le second sans aller au bout et elle a échoué. Pour autant la problématique est la même. La nouveauté est que les deux modèles peuvent coexister de façon pragmatique en fonction de deux facteurs fondamentaux. Le premier renvoie à la nécessité de « substituer aux importations » des productions locales là où manifestement les avantages comparatifs le permettent. Le deuxième facteur est relatif à nos exportations. Celui-ci est largement lié à notre capacité (encore faible) à négocier avec nos partenaires, en contre partie de leur présence chez nous, nos parts de marché chez eux. Un exemple pour illustrer le premier facteur. La taille (faible) du projet de montage de 50 000 véhicules avec Renault destiné donc au marché national n'est pas à considérer comme un semi échec en comparaison avec le méga projet destiné à l'exportation de notre partenaire français au Maroc. Pourquoi ? Comme l'a affirmé la semaine dernière le directeur de Monroe pour la région Moyen Orient, Afrique du Nord et pays de l'Est « les équipementiers viennent dès que le premier s'installe ». C'est ce qui s'est passé au Brésil avec Volkswagen et plus près de nous en Turquie. On peut citer un deuxième exemple celui du ciment dont il est difficilement concevable que l'Algérie en soit encore importatrice en 2010. Pour nos exportations les plus significatives il faudra – en scrutant les marchés et en engageant nos partenaires- lever en priorité les incertitudes sur l'évolution de la demande mondiale en matière de produits pétrochimiques et d'engrais en termes de quantités mais aussi de prix car les avantages accordés aux inputs gaziers sont trop élevés pour la collectivité nationale. A défaut il conviendrait de revoir à la baisse les programmes de l'aval pétrochimique d'autant que la couverture de la demande nationale devra être assurée sur le long terme. Dans le même registre l'évaluation des contre parties réelles obtenues de la présence sur nos marchés de grands pays exportateurs de biens et services tels que la Chine, le Canada ou le Japon par exemple pour ne pas citer les autres, nous sera utile. En attendant il faut nettoyer la maison (« clean the house ») comme disent les américains. Avec 55 000 entreprises interdites de commerce extérieur pour défaut de dépôt de comptes sociaux et avec 2000 tonnes de pièces contrefaites saisies sur 43 000 importées il y a beaucoup de travail à faire encore. Dans ce domaine comme dans les autres.