Dans le contexte international de crise financière et de ralentissement économique, voire de récession, les dépenses publiques sont, partout dans le monde, des instruments de stimulation de la croissance. La pratique budgétaire des autorités algériennes s'inscrit officiellement dans cette tendance générale. À quelques différences près cependant. La tendance au gonflement des dépenses publiques est en Algérie bien antérieure à la crise, leur efficacité en matière de relance de l'activité est sujette à controverses et surtout ces dépenses sont, de façon croissante, financées par la fiscalité pétrolière. Autant d'éléments qui leur donnent, plus qu'ailleurs, les caractéristiques d'une bulle dont l'éclatement aurait des effets dévastateurs. Les déficits publics ont pris un peu partout en 2009 une allure spectaculaire. C'est particulièrement vrai chez nos voisins d'Europe du Sud secoués par une crise financière sans précédent. Le déficit du budget de l'Etat atteint plus de 12% du PIB en Grèce et en Espagne. La France avec plus de 8%, ainsi que la vertueuse Allemagne réalisent également des records historiques. Les politiques de dépenses expansionnistes visant à contrecarrer les effets de la crise (subventions au profit du secteur financier, baisse d'impôts, encouragement de la consommation, politiques de l'emploi) ont fait voler en éclats la rigueur budgétaire qui était à la base du “pacte de stabilité” servant de socle à la monnaie unique européenne. À la fin de l'année dernière et au début de cette année, la spéculation financière s'en est mêlée , ciblant la Grèce considérée comme le maillon le plus faible. L'euro a perdu plus de 10% de sa valeur par rapport au dollar depuis le début de 2010 (ce qui est une bonne chose pour la monnaie algérienne) et les taux d'intérêt sont en hausse dans les pays les plus touchés. La plupart des gouvernements des pays de la zone euro ont annoncé des programmes très rapides de réduction des déficits publics qui les ramèneraient à 3% du PIB en 2012. Même si cet objectif paraît actuellement peu réaliste pour la plupart des observateurs, la réduction des dépenses est un processus inévitable et qui est enclenché dans tous ces pays à la fois en raison de la pression des marchés financiers et des règles institutionnelles communes. L'irrésistible ascension des dépenses L'Algérie ne s'inscrit pas dans ce cas de figure. Nos finances publiques prolongent et amplifient en 2010 le mouvement de gonflement des dépenses enregistré au cours des dernières années. Des dépenses qui restent en hausse sensible en dépit du retournement des marchés pétroliers et des perspectives de recettes beaucoup moins favorables. C'est le principal trait du budget 2010. Supérieures à 5 800 milliards de dinars, en hausse de près de 7% par rapport à 2009*, les dépenses publiques poursuivent leur expansion. Cette progression continue des dépenses publiques pose tout d'abord le problème de leur importance croissante dans la formation du PIB et de la dépendance structurelle dans laquelle elle installe l'économie de notre pays vis-à-vis des dépenses de l'Etat. Elle soulève en outre la question de leur efficacité en termes de stimulation de la croissance ; l'énorme injection de capitaux qu'elle représente ne permettant d'obtenir dans ce domaine que des résultats inférieurs aux potentialités du pays. L'augmentation des dépenses gouvernementales est à la fois imputable au budget de fonctionnement, en hausse de 6,6%, et au budget d'équipement qui augmente de 7%. Quelle efficacité ? Les taux de croissance réalisés au cours des dernières années en Algérie restent en moyenne inférieurs aux performances de beaucoup de pays voisins ou comparables. Les prévisions pour 2010 s'inscrivent dans cette tendance générale avec une progression prévue du PIB de 4%. Ces performances relativement médiocres sont de surcroît tributaires, pour l'essentiel, des commandes d'Etat adressées aux secteurs les plus dynamiques : bâtiment, travaux publics et transport. Le niveau atteint par les dépenses d'équipement (3 332 milliards de dinars) dans le budget 2010 s'explique, d'abord, par l'importance des programmes d'investissement en cours dans les infrastructures économiques de base. Près de 500 milliards de dinars pour les routes. Le même montant pour le train et près de 200 milliards pour l'hydraulique. Les trois secteurs restent les principaux bénéficiaires de l'allocation des ressources avec l'éducation – formation dont les dépenses d'équipement atteignent également près de 200 milliards. En dépit des controverses récentes qui entourent leurs conditions de réalisation, ces équipements ont bonne réputation auprès des analystes du point de vue de leur efficacité économique. Le vaste programme en cours dans le domaine des transports devrait, en particulier, créer les conditions d'une baisse des coûts et d'un meilleur accès au foncier pour les entreprises. Deux postes de dépenses prennent, en outre, une importance croissante au fil des exercices budgétaires des dernières années. Il s'agit tout d'abord du secteur de l'habitat, qui est le véritable enfant gâté de ce budget 2010 avec, pour lui aussi, près de 500 milliards de dépenses programmées. La principale nouveauté des budgets d'équipement de l'Etat au cours de la période la plus récente est la montée en puissance des dépenses consacrées à l'encouragement de l'investissement économique. Elles sont également en très forte progression dans le budget 2010 et bénéficient de 250 milliards dont 75 iront au Fonds national d'investissement de création récente. Leur augmentation rapide est précisément la traduction des questionnements sur l'efficacité des dépenses de l'Etat et d'une prise de conscience de leur impact limité sur la constitution d'un tissu d'entreprises nationales performantes. Le budget de fonctionnement aussi Si les dépenses d'équipement ont, en général, bonne presse, le gonflement des dépenses de fonctionnement est beaucoup plus sujet à controverses. C'est le domaine dans lequel semble s'être exercée en priorité l'ingéniosité des responsables nationaux de la gestion des dépenses publiques. En hausse de 6,6% dans le budget 2010, elles atteignent 2 838 milliards. Sur ce total, les dépenses salariales représentent près de 950 milliards en tenant compte du recrutement programmé cette année de 60 000 nouveaux fonctionnaires. On doit ajouter à ces chiffres, déjà impressionnants, les 230 milliards provisionnés à la veille de la tripartite au titre de l'augmentation du SNMG, ainsi que les 80 milliards prévus pour le financement des emplois d'attente au profit des jeunes diplômés. C'est donc la moitié du budget de fonctionnement qui est en fait consacrée aux salaires. L'autre moitié sera constituée, en 2010, par des transferts sociaux dont l'augmentation au cours des dernières années semble une tendance irrésistible des budgets algériens. Les subventions aux établissements hospitaliers se taillent la part du lion avec plus de 450 milliards, tandis que le soutien des prix des produits alimentaires, ou encore le soutien des prix du gaz et de l'électricité et le soutien aux prix des transports sont autant de postes de dépenses qui pèsent de façon croissante sur le budget de l'Etat et installent durablement notre pays dans une économie de redistribution de revenus adossés à des ressources non renouvelables. Le niveau prévisible des recettes réelles du budget de l'Etat en 2010 reste, pour l'heure, une inconnue. Si l'on se réfère aux études récentes de la Banque mondiale, les prix moyens du baril de pétrole en 2010 devraient se situer autour de 70 dollars. Dans ce cas de figure, le recours aux ressources du Fonds de régulation des recettes resterait très limité, de même que le montant du déficit réel du budget de l'Etat. En revanche, dans l'hypothèse de prix pétroliers moins élevés en 2010 et au cours des années suivantes, les ressources du Fonds de régulation seraient épuisées en quelques années, ce qui poserait le problème de la soutenabilité du niveau des dépenses atteint au cours des dernières années. C'est ce que soulignait, dès le mois d'août 2007, une Revue des dépenses publiques, effectuée au profit de l'Algérie par la Banque mondiale à la demande du ministère des Finances algérien. Selon cette étude, dont l'objectif principal était d'améliorer l'efficacité de la dépense publique, “il est essentiel que l'Algérie maintienne une position budgétaire prudente. Les prix pétroliers pourraient retomber à des niveaux inférieurs. Et, pour éviter de sérieux risques budgétaires à moyen terme, l'Algérie devrait également maîtriser les hausses permanentes des dépenses de fonctionnement”.