Affable, aime bien rire, Djamel Allam étonne encore par sa force de vie. Bouillonnant d'énergie et débordant de projets, il nous en livre quelques-uns dans cet entretien lorsque nous l'avons rencontré à Abalessa, venu chanter, en guest star, lors du Festival culturel Tin Hinan - Abalessa des arts de l'Ahaggar. Liberté : Avant toute chose, quelle est votre actualité ? Djamel Allam : Mon actualité est très chargée. Je suis en pleine tournée. Disons que ce n'est pas une tournée au jour le jour. J'ai des dates. Là, je pars à Grenoble, après je vais à Montréal, au Québec et peut-être New York. J'aime bien aller retrouver notre communauté qui est ailleurs, parce que c'est un public différent de celui d'ici, tellement il a soif. Il n'a pas l'occasion de me voir. Il y a un projet de poèmes. Je suis en train de récupérer ceux de Kateb Yacine. J'en ai récupéré un très beau de Yacef Sebti, assassiné par le GIA ; un autre de Rachid Boudjedra, peut-être Jean Amrouche. Je suis en train d'en sélectionner une dizaine pour en faire un album, en français. Je pense, c'est ce qu'on appelle, comme le disait Kateb Yacine, un butin de guerre. On a cette espèce de langue qui est très riche, comme tamazight, l'arabe… Quelle est la place de la poésie en Algérie ? Durant les années 1970, on écoutait beaucoup la poésie. Il y avait Jean Sénac qui avait écrit une anthologie de la jeune poésie algérienne, que j'ai toujours. Je crois que ça s'est perdu et, aujourd'hui, on la retrouve dans ce festival (Fiataa) parce qu'il y a beaucoup de conteurs, beaucoup de poètes, et c'est dans la nature. Il n'y a pas beaucoup qui chantent, ils déclament des poèmes pour leurs bien-aimées, leur pays, la montagne…, la thématique est assez large. Une tournée en Algérie ? C'est très aléatoire, les tournées en Algérie. C'est une question d'infrastructures. Il n'y en a pas partout. Et ça ne m'intéresse pas de passer que dans les grandes villes. C'est pour ça que c'est bien de venir dans des endroits comme celui-ci (Abalessa, ndlr). Peut-on dire que Djamel Allam chante l'amour dans son sens le plus large ? C'est beaucoup plus de l'humanisme que de l'amour. Je n'ai jamais chanté les chansons d'amour, ou dit je t'aime. Ce n'est pas mon registre. Je dis que toutes les chansons sont des chansons d'amour, à partir du moment qu'ils parlent des êtres et des choses. Vous n'avez jamais pensé à travailler artistiquement avec des musiciens et chanteurs du Sud ? Oui, j'ai très envie de le faire. J'ai deux projets ici (le Sud, ndlr). J'ai envie de faire une résidence avec des gens d'ici. J'attends juste d'avoir les moyens nécessaires pour le projet. Une résidence avec les gens du Tindi pour créer des chansons avec justement les femmes du Tindi. Ça sera a capella juste avec des percussions du Tindi. Je l'ai déjà fait ici lors d'une soirée où j'ai chanté avec les femmes du Tindi. J'ai chanté Tiziri, un achwik. Il n'y avait pas d'instruments de musique que des percussions. J'ai aussi envie de quelque chose avec l'imzad, mais je ne sais pas exactement ce que je vais faire, car l'imzad est quelque chose de sacré, de profane et c'est très difficile de faire une approche. Cela m'intéresserait de le faire, tout au moins d'utiliser l'instrument lui-même. Je rêve de réunir une vingtaine ou une trentaine de femmes qui joueraient de l'imzad derrière une de mes chansons. Ce serait vraiment formidable. C'est un projet à long terme. Il faut trouver d'abord un soutien que ce soit le ministère ou la wilaya. Trouver les moyens de venir passer un mois, par exemple, et aller à la recherche de toutes ces choses qui pourraient servir à créer. Il ne faut pas venir pour pirater les gens. Il faut venir pour leur donner aussi, et terminer tout ça avec un enregistrement et peut-être un petit film. Quel regard portez-vous sur la chanson kabyle et d'expression amazighe aujourd'hui ? C'est du n'importe quoi, à part quelques chanteurs. Il y a des noms qui sortent comme ça qui font vraiment de belles chansons, de beaux textes, mais tout le reste, je l'appelle du “zratarbac”, c'est du commercial, c'est de la chanson non-stop. Ça n'apporte rien, c'est bon pour les fêtes c'est tout. Mais quant aux Chaouis, il y a de belles chansons qui se font, même ici au Sud. Il y vraiment des choses fabuleuses qui se font, parce qu'ils ont les influences du Mali, du Niger et c'est mieux qu'ils aient cette influence, beaucoup plus du Sud que du Nord. Car chez nous, ils ne peuvent pas s'enrichir qu'avec les musiques frontalières. Êtes-vous une personne engagée ? Quand je suis sorti du ventre de ma mère, j'ai poussé un cri primal. C'était un cri de protestation comme tous les bébés. Donc, je me suis engagé à mener une vie la plus heureuse possible, pour moi, pour les miens, pour les gens avec qui je vis et pour mon pays. Je m'engage à dire des choses propres, c'est très important, car il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ; d'essayer d'apporter quelque chose car j'ai la chance de pouvoir écrire des chansons.