C'est le point de chute des automobilistes en panne de pièces de rechange d'origine. Ils y viennent de partout pour “fouiller” dans ce qui reste des voitures accidentées et payer cher la pièce rare. Si la municipalité de Draâ Ben Khedda était connue jusqu'à la fin des années 1990 pour son usine de textiles, ou encore pour ses orangeraies et aussi pour ses cigognes, aujourd'hui, elle détient la palme en matière de casse auto, ces cimetières pour voitures. Effectivement, à quelques mètres de la route menant vers Tirmitine, à proximité de la pompe à essence, on ne peut voir que des terrains jonchés de carcasses de voitures réformées. Chacune d'elles a son histoire. “Dans cette voiture de marque Peugeot Partner, quatre personnes d'une même famille ont péri dans un accident qui a eu lieu sur la RN5 au lieudit Zeboudja avant d'arriver à Bouira”, nous dit un dépanneur ayant participé à l'enlèvement de cet amas de ferrailles dont on ne reconnaît plus la marque. Neuf heures du matin, c'était un jeudi, des véhicules dont les plaques d'immatriculation nous montrent que ces lieux sont connus dans les quatre coins du pays commencent déjà à s'arrêter sur ce tronçon de la RN25 fraîchement bitumé en béton. À ce niveau, la prudence est de mise. En plus des embouteillages qui s'y forment, des piétons y traversent sans aucun souci. Combien de fois a-t-on signalé des accidents à cet endroit ? Tous ces automobilistes ne cherchent qu'à se procurer la pièce de recharge d'origine. “J'ai fait presque tous les magasins de pièces détachées d'Alger, je n'ai pu trouver ce que je cherche. Alors, on m'a indiqué cet endroit. Sincèrement, arrivé sur place, je n'ai pas cru mes yeux. Maintenant, j'ai compris que nos routes ont fait des milliers de victimes. Déjà, le nombre de carcasses déposées sur ces champs qui plutôt auraient été réservés à des arbres fruitiers est incalculable”, nous déclare cet automobiliste qui avoue venir de Kouba. Et d'enchaîner : “C'est vraiment un marché juteux. Qui peut calculer le nombre de milliards qui circule ici ?. Car, pour les prix, il n'y a pas à marchander. C'est très cher. Mais, c'est de la pièce de rechange d'origine.” Comme notre interlocuteur, d'autres s'affairent à trouver ce qui leur manque. On a compté pas moins de quinze lieux réservés à cet effet. Ce que l'on ne peut pas savoir c'est la façon dont est réglementée cette activité. Personne n'ose nous renseigner à ce sujet. Certes, chacun y trouve son compte. Mais il faut dire qu'en passant devant ces monticules de ferraille, il y a de quoi se demander si les autorités de cette municipalité ne pensent pas à trouver d'autres espaces en vue d'éloigner ces “monstres” qui ne rappellent que la mort aux usagers de cet axe routier pourtant très fréquenté. “On ne voit pas de vieux tacots, ce sont toutes des voitures neuves. Je crois que c'est la facilité de paiement qui serait à l'origine de cette hécatombe. Je ne pense pas que ce sont les nouvelles dispositions en matière d'amendes qui régleraient le problème. Nous sommes devenus peut-être le premier pays dans le monde pour le nombre d'accidents sur les routes. Qui arrêterait ce massacre ?” s'interroge un passager. Avant de quitter ce “cimetière”, un citoyen accosté devant l'une de ces casse auto nous a parlé de cette catastrophe que provoquerait le rejet des tonnes de carcasses dans l'oued où existent des forages alimentant en eau potable des villages entiers. Il est donc temps de penser à cet aspect. En définitive, réguler cette activité urge car laisser des terre-pleins accueillir ces tonnes de ferraille donnerait un visage hideux à l'ex-Mirabeau au moment où il fallait penser à convaincre d'éventuels investisseurs à s'y installer.