Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé, dimanche, une prochaine révision de la Constitution pour la mettre aux normes européennes de démocratie, au moment où son pays traverse une crise provoquée par un présumé complot militaire ayant visé son gouvernement en 2003. “Il ne s'agira pas de réviser de fond en comble la Constitution, mais nous envisageons d'amender certains articles”, notamment celui sur l'interdiction des partis politiques et le fonctionnement de la justice, a déclaré M. Erdogan au cours d'une conférence de presse. La Constitution turque actuelle, élaborée dans le sillage du coup d'Etat militaire de 1980, fait l'objet de contestations. Le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) espère déposer, d'ici fin mars, au Parlement, un projet de révision qui sera ensuite débattu en séance plénière, a expliqué M. Erdogan. Il a précisé que les amendements à venir s'inscrivaient dans les efforts de la Turquie de s'aligner sur les normes européennes de démocratie. La Constitution turque a été amendée plusieurs fois pour permettre à Ankara de satisfaire aux conditions nécessaires à l'ouverture des négociations avec l'Union européenne. Une révision constitutionnelle a été l'un des premiers objectifs du gouvernement AKP après sa large victoire aux législatives de 2007. Mais, ensuite, après la rédaction d'une première mouture, le projet s'est enlisé, victime des conflits déclenchés par des débats sur la laïcité qu'il avait provoqués. L'AKP, au pouvoir depuis 2002, ne dispose pas au Parlement de la majorité nécessaire pour adopter à lui seul une révision de la loi fondamentale et pourrait, pour cette raison, soumettre son projet à un référendum populaire. Certains des amendements que le gouvernement veut introduire, comme celui rendant la dissolution des partis politiques plus difficile, ont déjà fait l'objet de polémiques. L'AKP avait échappé de justesse, en 2008, à une interdiction pour activités antilaïques. Ironie du sort ou pas, le 28 février marque le 13e anniversaire du renversement, sous la pression de l'armée, du gouvernement dirigé par le premier chef de gouvernement islamiste de Turquie, Necmettin Erbakan, mentor de M. Erdogan. L'initiative constitutionnelle de M. Erdogan intervient alors que le pays traverse une crise entre le gouvernement et l'armée, gardienne du régime laïc, en raison d'une offensive judiciaire inédite lancée le 22 février et visant à élucider une présumée conspiration militaire remontant à 2003. Trente-trois officiers supérieurs ont été inculpés et écroués dans cette affaire.