Bernard Kouchner n'a plus le soutien et l'adoubement d'antan du président Nicolas Sarkozy ; il est même court-circuité par l'Elysée, empêtré dans des déclarations empoisonnant davantage les relations franco-algériennes déjà au plus mal. On le dit très mal à l'aise dans son costume de ministre des Affaires étrangères, tant ses sorties médiatiques sont aussitôt sujet à controverse. L'hôte du Quai d'Orsay en fait-il trop ? C'est du moins l'impression qu'il donne depuis qu'il compulse les dossiers chauds du conflit israélo-palestinien ou les relations houleuses entre Paris et Alger. En tout cas, l'Elysée le désavoue. Pour Christophe Cambadélis, secrétaire national PS chargé des questions internationales, Bernard Kouchner n'a jamais caché son attachement au prestigieux poste de ministre des Affaires étrangères, l'Elysée devrait lui demander de partir. “Il n'a pas échappé à Kouchner qu'il y aura un remaniement ministériel après les régionales. Il essaie de revenir au french doctor qu'il fut.” Un quotidien français pense que “l'homme sert Sarkozy. Plus grosse prise de la première vague d'ouverture, la marque Kouchner reste encore très populaire dans l'opinion. C'est sa popularité qui l'a fait préférer en 2007 au sérieux Hubert Védrine. Mais sa cote s'étiole lentement depuis 2009, tout comme ses marges de manœuvre”. Didier Billion, chargé de mission à l'Institut de relations internationales et stratégiques, spécialiste du Moyen-Orient, a déclaré que “Kouchner a énervé Sarkozy au cours des derniers mois, leur grand amour a périclité”. On estime qu'il ne reste rien à Bernard Kouchner sauf peut-être le “magistère du verbe”. La libération de Pierre Camatte au Mali en est la preuve. “Kouchner a voulu exister, mais il est porteur d'un slogan désincarné, opportuniste, lui qui n'a jamais été d'une grande activité sur ce dossier. Tout le monde dit qu'il faut un Etat palestinien. Mais avant sa proclamation, il y a deux ou trois choses à régler”, commente Didier Billion. C'est Nicolas Sarkozy, le 21 février dernier, qui a reçu le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en France. La veille, Bernard Kouchner appelle dans la presse à la création d'un Etat palestinien avant la fin du processus de négociations. Le chef de l'Etat ignore sa proposition et François Fillon le désavoue depuis la Jordanie. Notre source ajoute qu'un autre camouflet encombre le ministre : “la réforme de la diplomatie culturelle. Kouchner l'avait présentée comme sa grande réforme. Les quelque 150 instituts français et centres culturels devaient échapper au giron pesant des ambassades, se rassembler dans une grande agence et gagner en indépendance”. Un autre cas illustre le désavouement de M. Kouchner, lui voulait un Institut Albert-Camus dirigé par l'écrivain et ambassadeur au Sénégal Jean-Christophe Rufin ; il n'en sera rien. Ce sera l'Institut français – même pas Victor-Hugo, le deuxième choix – à la remorque de ses prestigieux voisins : le British Council, l'Institut Goethe en Allemagne ou Cervantès en Espagne. Et pour enfoncer le clou, Didier Billion indique que “l'administration du Quai d'Orsay est lourde, accrochée à ses prérogatives. Les diplomates n'apprécient pas le style Kouchner, ses déclarations à l'emporte-pièce. Ils préfèrent travailler dans la discrétion”. H. H.