Les prix actuels du baril de pétrole compris entre 75 et 80$ ne doivent pas nous faire oublier qu'ils sont menacés à des échéances plus courtes qu'il n'y parait. Il y a en effet de quoi s'inquiéter surtout lorsque l'on s'intéresse aux nouvelles initiatives initiées par certains pays européens en la matière. J'ai reçu à ce propos le résumé de l'étude, datée de mars 2010, réalisée pour la ministre française de l'économie, par le professeur Jean Marie Chevallier de l'Université de Dauphine sur “la volatilité des prix du pétrole”. L'objectif affiché de l'étude est de contribuer à la stabilité des prix du pétrole par une plus grande transparence des “marchés physiques du pétrole” et à la régulation des marchés financiers dérivés de cette ressource non renouvelable. Ce rapport est ouvert aux commentaires publics à soumettre avant le 26 mars 2010. Voici les miens. En vérité, je crains qu'il ne s'agisse des prémisses de la mise en œuvre de la version européenne du plan américain d'indépendance énergétique dont j'ai évoqué le sujet la semaine précédente dans ces mêmes colonnes. Avec tous les risques que la facture de cette “indépendance énergétique” soit payée -pour une grande part- par les pays de l'OPEP dont l'Algérie. D'abord, si on ne peut que partager les éléments d'analyse de l'auteur quant à la nécessité d'une connaissance précise des données relatives à l'offre et à la demande des marchés des hydrocarbures, le reste de la contribution est plus problématique pour nous. On rappelle à ce sujet que l'OPEP s'était associée en 2001 à l'initiative dite “JODI” de cinq organisations internationales que sont l'APEC, l'Eurostat, l'OLADE et l'UNSD pour rendre disponibles et consolider les informations en matière de stocks, de production et de demande de sept produits pétroliers (pétrole brut, GPL, gazoline, kérosène, fuel et diesel). Mais l'essentiel des conclusions du rapport est ailleurs. Il se trouve dans la proposition d'un programme d'une transition énergétique que je juge volontariste et même brutale, qui n'aménage pas avec les pays exportateurs d'hydrocarbures une période “mixte” que de nombreux experts jugent incontournable, au moins pour 4 ou 5 décennies encore. Il ne s'agit nullement d'un complexe de persécution de notre part mais d'un scénario probable. Un exemple pour nous mettre en garde. Il s'agit de la récente tentative en Equateur -avortée pour le moment- de ne pas exploiter ses réserves pétrolières pourtant disponibles et ce, contre la promesse d'un financement d'une énergie alternative non encore maîtrisée. Ainsi, ce texte propose de soumettre à l'Union européenne (UE) une “véritable stratégie pétrolière” qui vise en fait à éliminer cette ressource plus tôt que prévu. J'ai pu en extraire quelques propositions significatives : harmonisation de la taxation pétrolière dans le contexte d'une problématique à énergie carbonée faible, qui serait finalement la généralisation de la taxe carbone française, coordination pour construire conjointement un paquet énergétique à faible intensité carbonée avec un contrôle de la demande pétrolière comme pièce maîtresse de cette politique, coopération avec les pays du sud qui veulent réduire aussi leur dépendance au pétrole. Cette stratégie de forte compression de la demande en hydrocarbures, aurait pour conséquence directe, pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris, de tirer définitivement les prix du baril de brut vers le bas. Aussi, si l'on se reporte aux recommandations citées plus haut, la recherche d'un consensus entre producteurs et consommateurs au sein notamment du Forum international de l'Energie (IEF) afin de trouver “un prix approprié” pour le baril de pétrole, lors de sa réunion de mars 2010 à Mexico -à l'échelon ministériel-, me semble être abandonnée de fait par certaines parties. Il faut rappeler, à cet égard que l'IEF, créé en 2000, est relativement représentatif des intérêts variés de la communauté de l'énergie dans le monde dans la mesure où il regroupe soixante pays et trente compagnies pétrolières nationales et internationales. Enfin un dernier point relatif à “l'accord stratégique sur l'énergie” qui pourrait être évoqué lors du prochain “rendez-vous” entre l'Algérie et l'UE. Je vois mal comment l'Algérie pourrait signer cet “accord stratégique sur l'énergie” sur la base de tels éléments structurants la “diplomatie pétrolière” de l'UE. Affaire à suivre. Mais dans tous les cas les pays de l'OPEP dont l'Algérie devraient bien évaluer les conséquences de cette nouvelle “diplomatie pétrolière” avant d'engager les lourds investissements qu'on leur demande pourtant de réaliser.