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Comment les Arabes en cas de conflit majeur au Proche-Orient peuvent amener la paix et… créer un Etat palestinien ?
Les faces cachées de la guerre au Liban
Publié dans El Watan le 27 - 08 - 2006

La crise dont on parle n'est pas la crise iranienne mais la crise américaine. Et là nous entrons dans le vif du sujet du « pourquoi la guerre préventive ? » Avec la hausse continue du cours du pétrole, les concepteurs de la stratégie américains veulent un autre 1973, un bis repetita, ils se rappellent l'embargo pétrolier des pays arabes contre les Etats-Unis et un pays d'Europe et le quadruplement du prix du prix du baril de pétrole.
A cette époque, les Etats-Unis étaient en guerre contre le Vietnam et en litige grave avec l'Europe sur le plan monétaire. Le 15 août 1971, le président Nixon déclarait la suspension de la convertibilité du dollar, ce qui signifiait tout simplement l'insolvabilité du dollar, puisque celui-ci n'avait plus l'équivalent-or, les Américains ne pouvant répondre à la demande mondiale de l'or. Pour la première fois en 1971, la balance courante était déficitaire et allait en s'aggravant les années suivantes. Le 12 mars 1973, à la conférence monétaire de Bruxelles(7), les neufs pays de la CEE maintiennent le « serpent monétaire » (2,25 de marge maximale), mais les banques centrales européennes ne sont plus contraintes d'absorber des montants importants de dollars. C'est le flottement des monnaies. En octobre 1973, la guerre israélo-arabe fait irruption. Quelques jours après, les Arabes décrètent l'embargo et le quadruplement du prix du baril. Cette guerre a permis aux pays arabes un double objectif :
1. Imposer un embargo à l'Amérique en vue d'exiger une solution équitable à la guerre.
2. Augmenter les prix du pétrole pour pallier la poussée inflationniste qui s'est développée en Occident suite aux crises monétaires de 1970 à 1973, pour les Américains, cette guerre d'octobre 1973 était nécessaire, voire vitale. La hausse des cours pétroliers devait contraindre les pays européens à acheter massivement des dollars pour le paiement de leurs importations pétrolières. Dès lors du papier vert émis sans contreparties réelles puisque le solde de la balance courante américaine était déficitaire, les Etats-Unis pouvaient à nouveau imposer leur domination économique et monétaire. En 2002, un ancien ambassadeur des Etats-Unis(8) en Arabie Saoudite déclara cela à une commission du Congrès américain : « Ce que les Saoudiens auront accompli de plus remarquable, sur le plan historique, aura été entre autres d'insister pour que le prix du pétrole continue d'être en dollars, en partie par amitié pour les Etats-Unis. Ce qui fait que le Trésor américain peut émettre de la monnaie et acheter du pétrole, une prérogative unique par rapport aux autres pays. »
7. SCéNARIOS DE GUERRE AU PROCHE-ORIENT
Qu'en est-il de la guerre au Proche-Orient ? Tout concourt à admettre que la guerre est irréversible au Proche-Orient. Les tensions sont telles que l'on se tourne du côté américain ou de celui iranien, la Syrie se trouvant dans l'œil du cyclone, la guerre civile en Irak n'offrant aucune alternative tant que les troupes américaines n'ont pas évacué le territoire… surtout avec la nouvelle doctrine de l'Administration américaine : « la longue guerre », seule la « guerre » peut désenfler ces crispations et amener à court terme des solutions. Donc partant du principe qu'une guerre se prépare d'autant que ce qui s'est passé au Liban a surpris le monde entier, un bombardement planifié, méthodique, vu les destructions occasionnées durant 34 jours. Le système routier et ponts, centrales électriques, aéroport, visés annoncent déjà la couleur, dès lors on peut comprendre que ce n'est qu'une partie d'un plan déjà en exécution. Les hésitations des pays européens à renforcer la Finul de 13 000 hommes prouvent la crainte de voir leurs hommes pris en étau dans une guerre très probable. On peut donc considérer que la guerre au Proche-Orient est irrémédiable, dès lors quels scénarios sont envisageables ? 1er scénario. Une attaque frontale contre la Syrie par Israël, pour détruire le potentiel économique et militaire syrien en usant du prétexte que la Syrie et l'Iran réarment le Hezbollah. Deux variantes :
1. Si l'Iran intervient dans le conflit, les Américains trouveront là une occasion inespérée pour attaquer l'Iran.
2. Si l'Iran n'intervient pas, la guerre d'Israël avec la Syrie présuppose que le conflit n'a pas encore gagné son extension totale, donc une troisième et dernière phase reste encore en cours, c'est l'Iran. 2e scénario. Même prétexte : la Syrie et l'Iran réarment le Hezbollah. Une attaque frontale par Israël vise en même temps la Syrie et l'Iran. L'Iran utilise ses missiles longue portée Shahab III sur les villes israéliennes de Tel-Aviv, de Haïfa, de Beersheba, d'Eilat et sur le complexe nucléaire israélien de Dimona. Un incident frontalier entre l'Iran et les troupes américaines en Irak servant de prétexte, suffira aux Etats-Unis pour lancer son offensive contre l'Iran. L'Iran enverrait immédiatement ses missiles Shahab I et II sur la Zone Verte américaine à Baghdad. La guerre est généralisée au Liban par le biais du Hezbollah et même de l'armée libanaise (15 000 hommes stationnés à la frontière) Syrie-Iran-Israël-Etats-Unis. Ne perdons pas de vue que l'Iran fait frontière avec la Russie par la mer Caspienne, une fenêtre pour être pourvue en armes. La Russie a signé avec l'Iran un contrat de 700 millions de dollars sur la vente de 29 missiles sol-air Tor-M1 à l'Iran à la fin de 2005. Le contrat signé conformément aux normes du droit international porte sur les armes purement défensives qui ne peuvent pas servir pour l'attaque. Les missiles modernisés de cinquième génération Tor-M1 sont capables de détruire les avions, les hélicoptères, ainsi que les missiles balistiques et les drones. Les Tor-M1 ont une portée plus étendue et peuvent atteindre des cibles à une altitude de 10 km. De plus, les missiles Tor-M1 ont été dotés d'un système anti-brouillage plus opérant. 3e Scénario. Les Etats-Unis attaquent directement l'Iran. Scénario absolument à exclure, les Etats-Unis, non qu'ils ne veulent pas la confrontation directe, cherchent plutôt à se donner une légitimité aux yeux de l'opinion internationale. Quant à l'arme nucléaire avec des armes tactiques de faible puissance de moins de 1 kt, elle est absolument à exclure pour plusieurs motifs, d'abord :
1. Ce que penserait 1,2 milliard de musulmans sur les frappes nucléaires.
2. L'Iran fait frontière avec la Russie, donc une contrainte majeure pour les Etats-Unis avec la deuxième puissance mondiale (retombées radioactives, risque d'un veto sur l'utilisation de l'arme nucléaire à ses frontières dans le théâtre de guerre).
3. Le plus important. N'oublions surtout pas que l'Iran, la Syrie, le Liban ne sont que des jokers dans la stratégie américaine. Les Etats-Unis font la guerre par désespoir de cause, ils détruisent dans l'espoir de conserver les privilèges… exorbitants du dollar. Une frappe nucléaire américaine avec des armes tactiques est à ranger dans la guerre psychologique. Cela étant, notre étude ne s'intéresse pas à ce qui va advenir sur le plan des opérations militaires ni sur l'évolution dans le théâtre de guerre, mais comment « arrêter diplomatiquement la guerre ? ».
8. COMMENT ARRÊTER LA GUERRE ? L'ACTION DECISIVE DES PAYS ARABES
Tout concourt à dire que puisque le théâtre de guerre est dans le camp des pays arabes et ces pays arabes détiennent l'or noir, les cartes maîtresses qui vont battre l'ordre du monde ne sont pas chez les Américains, ni chez les Chinois, ni chez les Russes, encore moins chez l'Union européenne, elles sont chez les Arabes. On pense bien dès que le conflit gagne en extension, le détroit d'Ormuz est sûrement bloqué, la guerre fait rage, quel prix aura alors le baril de pétrole ? 120 dollars, 150 dollars, 200 dollars, plus ? Les prix vont exploser à la grande joie des Américains, mobilisation massive des billets verts pour le pétrole, donc un objectif double : financer le déficit du compte courant américain et créer un dollar gap, c'est-à-dire sa rareté dans les marchés monétaires entraînerait son appréciation, et enfin se libérer de la Chine (le yuan). Les Américains auront-ils atteint leur but ? C'est ce qu'ils peuvent peut-être croire, s'il n'y a pas une riposte arabe sur un autre plan… économique et monétaire. D'emblée pourrons-nous dire que c'est le contraire qui va arriver, les thinks-tanks américains ne doivent pas oublier qu'il y a actuellement une stratégie mondiale, multilatérale, chaque nation ou groupe de nations comme par exemple le groupe de Shanghaï : Russie-Chine-Inde sur le plan militaire, se projettent dans l'échiquier mondial. Rappelons qu'avec l'OTAN en Afghanistan, la Chine est stratégiquement encerclée, Est et Ouest. Les Arabes ne sont pas en reste sur le plan stratégique, de plus en plus ils maîtrisent les rouages internationaux, économiques et monétaires. Dès les premiers jours de la guerre surtout si elle prend de l'ampleur, la Ligue arabe peut proclamer un embargo contre les Etats-Unis, la première puissance haussera les épaules, d'autres pays peuvent lui fournir du pétrole comme en 1973. Mais cette fois-ci, la stratégie similaire de 1973 est dépassée. Pas besoin d'embargo, la stratégie peut porter sur une autre sphère beaucoup plus insidieuse, plus redoutable, plus destructrice que la guerre même, ce sont les réserves arabes en dollars. Supposons que les pays arabes maintiennent la monnaie de facturation du pétrole en dollars, et c'est dans leur intérêt et non comme le préconisent certains pays européens et musulmans : « libeller le pétrole en euros ». Avec 200 dollars le baril, les excédents arabes vont exploser. Supposons aussi que tous les pays arabes décident de transformer une bonne partie de leurs réserves en dollars, détenus à l'intérieur et à l'extérieur, en euros, en yens, en roubles sur les marchés internationaux. Que va-t-il se passer ? Le dollar va baisser… l'euro de 1,28 dollar passera dans les jours qui suivent à 1,50, puis à 1,75 dollar, et plus. Les Arabes auront créé un krach monétaire sur le plan mondial. Le dollar en chute libre, réaction de la Chine et du Japon et enfin de tous les pays émergents : c'est la panique. Devant la dévaluation rapide du dollar et la peur de voir les réserves en dollar fondre, toute l'Asie suit et jette ses dollars sur les marchés. C'est un véritable embargo monétaire mondial qui va s'instaurer contre les Etats-Unis. Pis encore, la crise de 1929. Rien ne va enrayer la chute du dollar… sauf si, avant que la panique générale ne s'installe et que le prix du baril ne soit porté à des sommets risqués, les Américains négocient avec les Arabes… Il est clair que les Arabes mettront tout leur poids dans les négociations et inscriront en plus des problèmes de la guerre, le sort de l'Irak et un échéancier pour la proclamation d'un Etat palestinien. Evidemment, c'est vite dit dans un écrit, la réalité est tout autre sur le terrain. Et si les Arabes n'ont pas le cran pour mener leur stratégie, défier la superpuissance leur semble hasardeuse, et si la guerre se prolonge et les cours pétroliers commencent à menacer l'économie mondiale au sein de laquelle il y a la locomotive chinoise, ce sera alors la Chine qui prendra le relais. Doublement pénalisée par la hausse extrême du cours du baril et son pendant le dollar, la Chine risquera une récession économique comme le fut le Japon en 1974 et en 1975 après le premier choc pétrolier. Par conséquent, elle mettra tout son poids pour sauver la parité de combat de sa monnaie du moins la maintenir à un niveau moyen, elle tentera de moduler la forte hausse du dollar due à la mobilisation massive des billets verts pour le pétrole, en diminuant ses fortes réserves de changes en dollar au profit d'autres monnaies internationales. Pour le Japon, le yen étant une monnaie convertible, la forte hausse du pétrole conjuguée à la hausse du dollar, va, même si un yen déprécié donne un avantage de compétitivité commerciale, grever ses excédents commerciaux et transformer ses excédents en déficits commerciaux comme en 1974 et 1975. Par conséquent, le Japon aura intérêt lui aussi à convertir une partie de ses réserves en dollars en euros pour limiter la hausse, voire déprécier le cours du dollar, par conséquent rendre la facture pétrolière moins coûteuse. De plus, toute l'Asie peut se joindre à ce mouvement pour étouffer le dollar. De toutes les façons, ce qui est dit séparément pour les Arabes, la Chine, le Japon et l'Europe qu'on n'a pas citée, elle aussi est pénalisée par la hausse des cours du pétrole, peut se faire conjointement, toutes les parties auraient à perdre en cas d'explosion des cours du pétrole et la hausse du dollar, si la guerre venait à se prolonger. Quelle que soit l'issue de la guerre, les Etats-Unis n'en sortiront pas indemnes… il est peu probable que le dollar soit hissé à des sommets comme ceux qui ont suivi le deuxième choc pétrolier (1980-1985). On comprend aujourd'hui dans quel contexte s'inscrit la guerre au Proche-Orient, cette prospective précisément est initiée dans le but de montrer les faces cachées du conflit aujourd'hui en cours au Liban, et ce qui peut résulter si le conflit gagnerait en extension. Le règlement des problèmes politiques au Proche et Moyen-Orient par voie diplomatique tendant de plus en plus à se décomposer, les pays arabes, avec des régimes politiques décadents, non démocratiques, représenteraient, s'ils ne bougeaient pas, des proies faciles pour la première puissance mondiale, susceptibles d'être disloquées à moyen terme. Un dernier mot, celui-ci pour l'Algérie. L'Algérie se réveille. Avec les amendements de la loi sur les hydrocarbures et l'alliance stratégique de Sonatrach avec le géant gazier russe Gazprom, si cela se vérifie, ils lui donneront une nouvelle stature internationale, en rapport à son peuple, à sa géographie et à son histoire.
Notes de renvois
7. Ouvrage Algérie. Etudes et Prospectives par Medjdoub Hamed. Economie. Edition 2002.
8. La Pravda (2e partie) par Bulent Gokay, le 30 mai 2006.


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