Emboîtant le pas à l'Union européenne, Madrid a annoncé, par la voie de son chef de la diplomatie, qu'elle continuera d'être “ferme” avec le Maroc sur la question des droits de l'homme au Sahara occidental, confirmant ainsi qu'ils sont loin d'être respectés comme l'affirme Rabat à tout bout de champ. Passant d'un extrême à un autre dans sa politique vis-à-vis du Maroc, qui bénéficie parfois de son soutien total, tout en se retrouvant d'autres fois au banc des accusés, l'Espagne a opté cette fois-ci pour la seconde formule en acculant le royaume alaouite dans ses derniers retranchements sur la question des droits de l'homme au Sahara occidental. Aurait-elle décidé d'assumer enfin sa responsabilité d'ancienne puissance coloniale de ce territoire ? La question mérite d'être posée car silencieuse sur ce sujet depuis longtemps, Madrid s'est réveillé en sursaut avec la mise en garde directe lancée par le nouveau patron de l'Union européenne, le Belge Herman Van Rompuy, qui avait appelé Rabat à faire davantage de progrès en matière des droits de l'homme. Plus virulent, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a affirmé, devant la commission des affaires étrangères du Congrès des députés, la chambre basse du Parlement, que l'Espagne “continuera d'être ferme” avec le Maroc sur le respect des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés. Il faut croire que cette sortie médiatique du chef de la diplomatie du gouvernement Zapatero est surprenante d'autant plus qu'elle lie le règlement du conflit du Sahara occidental à une évolution en matière des droits de l'homme. En effet, Moratinos a affirmé : “Si nous voulons parvenir à une solution” au conflit du Sahara occidental, “il faut être ferme avec le Maroc, en ce qui concerne les droits de l'homme, et l'Espagne l'a été”. Il soulignera que “le Maroc doit faire plus d'efforts”, en matière de respect des droits de l'homme, particulièrement en ce qui concerne la situation des militants sahraouis emprisonnés dans ce pays. Mieux, le ministre espagnol s'est dit “favorable” à ce que la Minurso puisse superviser les droits de l'homme. Dans le même ordre d'idées, il reconnaîtra que la position des Sahraouis par rapport à celle du Maroc “n'est pas la même”, et estimera que “les forts et les faibles doivent assumer leurs responsabilités” pour faciliter une solution au conflit sahraoui. Pour le chef de la diplomatie ibérique, le statut avancé accordé par l'UE au Maroc est “la voie la plus exigeante” pour que le gouvernement marocain “fasse des progrès” dans le domaine des droits de l'homme. Moratinos s'est, par ailleurs, déclaré “convaincu” que la nouvelle relation entre les 27 et ce pays peut être “le meilleur levier” afin de rendre possible une solution définitive au conflit sahraoui. Rappelant que lors de leur dernière rencontre du mois de février aux Etats-Unis, le Maroc et le Front Polisario avaient accepté que chaque partie expose à l'autre sa proposition pour trouver une solution au conflit, le ministre espagnol affirmera : “Nous ne sommes pas dans une situation pire que celle qui a prévalu dans le passé. Il y a une nouvelle dynamique.” Miguel Angel Moratinos confirmera en outre que l'Envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross, envisage d'entamer durant le mois de mars courant une nouvelle tournée dans la région, avant de présenter en avril prochain son rapport annuel au Conseil de sécurité de l'ONU. Il soulignera que dans ce dossier, l'Espagne agit avec “pragmatisme et engagement politique afin que la solution soit acceptable par les deux parties (le Maroc et le Front Polisario) et respecte le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui”. Cette position de Madrid intervient au lendemain des déclarations du président du Conseil européen, Van Rumpuy, qui avait interpellé, à l'issue du premier sommet UE – Maroc, Rabat en l'invitant à réaliser “davantage de progrès” dans le respect des droits de l'homme et en ce qui concerne la situation des défenseurs des libertés fondamentales dans les territoires sahraouis occupés. Il a indiqué que les deux délégations ont abordé le conflit du Sahara occidental que l'UE “suit de près”, ajoutant que les 27 soutiennent les efforts de l'ONU pour une “solution juste, durable et mutuellement acceptable” au problème sahraoui.