Curieusement, certains des points annoncés au menu ont été «évacués» lors de la déclaration finale. En quittant le Maroc, hier, sur pas mal de notes optimistes, le chef de la diplomatie française a réitéré les engagements de son pays d'accorder une sorte de traitement privilégié à Rabat dans ses relations avec l'Union européenne, mais aussi dans le cadre de la concrétisation du processus de Barcelone. L'initiative en elle-même a de quoi étonner, puisque désormais le Maroc éprouverait beaucoup de mal à continuer de revendiquer son fameux «statut avancé» dans ses relations avec l'Union européenne. L'expérience démocratique algérienne est, de loin, la plus «avancée» dans toute la rive sud de la Méditerranée. Dans le même temps, le Royaume de sa majesté Mohamed VI fait face à une fièvre d'intégrisme islamiste dont les premières retombées se sont fait sentir avec les attentats de Casablanca, mais aussi la présence de ressortissants marocains dans presque tous les actes terroristes commis à travers le monde. Ceux qui ont été commis le 11 mars en Espagne, eux, portent l'empreinte quasi intégrale des sujets marocains. Or, une pareille poussée ne peut trouver sa justification, comme le reconnaissent l'ensemble des services spéciaux et spécialistes de la lutte antiterroriste, que dans le fait que ce pays traîne trop de frustrations à cause de l'injustice sociale, le non respect des droits de l'Homme et l'absence d'une démocratie digne de ce nom. Le fait que la France décide, donc, de maintenir le cap en dépit des grands changements intervenus sur la scène géostratégique locale, avec le retour en force de notre pays sur le devant de la scène internationale, met en exergue la dualité de Paris dans ses relations avec les Etats du Maghreb Arabe. La meilleure preuve en est la déclaration faite par le ministre français, Michel Barnier, quelques heures avant son arrivée à Rabat, concernant les discussions bilatérales entre lui et son homologue Mohamed Benaïssa à propos du Sahara occidental. Le chef de la diplomatie française était allé plus loin pour mettre en avant ses souhaits que les relations entre l'Algérie et le Maroc s'améliorent afin que l'UMA puisse être édifiée. Une pareille sortie, quand bien même il nous serait interdit de mettre en doute la bonne foi élyséenne, a de quoi vexer Alger. Notre pays, en effet, ne demande rien que le droit international soit respecté par tous et, partant, que Paris n'adopte pas la politique du deux poids deux mesures, concernant d'une part, la question irakienne, et de l'autre le joug colonialiste qui continue de régner sur le peuple sahraoui. Alger refuse catégoriquement que la question du Sahara occidental soit abordée en dehors de l'ONU, qui en assume l'entière charge et responsabilité et qui a élaboré un plan de règlement étalé sur cinq années. Si le Maroc le rejette, c'est qu'il est question d'autodétermination, conformément au droit international. Alger ne peut non plus accepter que Rabat verse carrément dans le chantage diplomatique en bloquant le processus d'édification de l'UMA jusqu'à ce que le Sahara occidental lui soit attribué d'autorité. La charte de Marrakech, qui avait scellé la naissance de l'UMA, n'évoquait nullement une pareille condition, même si le problème du Sahara se posait déjà avec acuité. La bon sens, ainsi que la bienséance diplomatique, voudraient donc que la position algérienne soit respectée. C'est, au reste, ce qui explique peut-être que Barnier ait évacué de sa déclaration finale toute allusion à ces questions, alors qu'elles devaient être incluses dans les discussions qu'il a eues avec les plus hauts responsables marocains.