La conférence de presse que devait animer Benaïssa, à Alger, a été annulée au dernier moment sans explication aucune. Comme il fallait s'y attendre, la visite à Alger du chef de la diplomatie marocaine, sur sa demande instante, n'a servi qu'à mettre à nu les profondes divergences qui continuent de séparer les deux pays. A sa descente d'avion, en présence d'Abdelaziz Belkhadem, Mohamed Benaïssa s'est contenté d'une laconique déclaration dans laquelle il a indiqué que les entretiens qu'il aura avec les responsables algériens porteront sur «la relance des groupes de travail bilatéraux mis en place depuis une année». «Politesse diplomatique» oblige, autant dire que le chef de la diplomatie marocaine n'a rien dit du tout puisque chacun sait que les relations entre les deux pays sont quasiment gelées à cause des exigences formulées par Rabat, concernant le règlement de la question du Sahara occidental à son profit exclusif avant tout autre formalité. L'occasion, maintes fois répétée, nous a été donnée de vérifier le bien-fondé de ce «préalable» puisque le processus d'édification de l'UMA demeure gelé alors que le sommet d'Alger a été reporté deux fois avant d'être annulé et que les frontières entre les deux pays restent particulièrement surveillées. Benaïssa, qui avait émis le voeu à partir de Tunis d'effectuer une visite de quelques heures à peine en Algérie, serait porteur d'un message du roi Mohamed VI au président Bouteflika. Nous croyons savoir qu'une réponse polie mais ferme de la part des responsables algériens aurait été donnée à leurs homologues marocains. S'il est permis, voire souhaité, que les questions relatives à l'Union du Maghreb Arabe ainsi que les relations bilatérales entre les deux pays soient de nouveau soulevées, il est absolument hors de question que le Sahara occidental soit évoqué en dehors du l'ONU puisque ce dossier est en train d'y trouver légalement une issue favorable dans le strict respect du droit international et de celui des peuples à l'autodétermination. Mohamed Benaïssa, qui devait animer une conférence de presse hier après-midi, quelques heures avant son départ, après une visite-éclair, a fini par annuler sa rencontre avec les journalistes. Si aucune source officielle n'a voulu commenter une pareille «défection» alors que tout semblait avoir été préparé, tout porte à croire que cette visite s'est non seulement avérée stérile mais a, au contraire, pu accentuer les divergences existant entre Alger et Rabat. Il est des indices qui ne trompent pas. A son départ, Benaïssa s'est contenté de confirmer avoir adressé un message verbal à Bouteflika alors que Belkhadem a souligné que les débats ont porté sur l'Uma, la circulation des personnes et le suivi des dossiers économiques. Hormis ces déclarations lapidaires, aucune autre information n'a filtré, ce qui tend à prouver que les débats n'ont pas progressé dans le sens souhaité, ni par les uns ni par les autres. Preuve en est que les questions qui gênent ont été soigneusement évitées au moment où il a été souhaité la poursuite de ce dialogue. Une reconnaissance polie et diplomatiqe d'admettre que cette visite a été un nouvel échec. Alors que le chef de la diplomatie marocaine était censé être porteur d'un message en direction du président Bouteflika, il semble que ce dernier ne l'ait reçu que quelques minutes juste dans le but de sauver les apparences, ce qui demeure significatif à plus d'un titre. Le Maroc, qui multiplie les provocations à l'encontre de notre pays, semble bel et bien avoir franchi le Rubicon en décidant de commuer la peine du dirigeant du Flam (Front de libération de l'Algérie marocaine) de dix années de prison ferme à tout juste une dizaine de mois. Mohamed Alouah, un Marocain de 62 ans, a annoncé la naissance du Front, venu revendiquer quelque 900.000 kilomètres carrés du territoire algérien, mais aussi organiser des attentats terroristes au coeur de notre pays. Il a fallu toute la véhémence de la diplomatie algérienne pour que les autorités marocaines décidassent de se pencher sur un scandale qui ne semblait pas les déranger outre mesure. Saisi, le procureur du roi, a initié une procédure judiciaire qui a donné lieu à un procès kafkaïen durant lequel Alouah a maintenu l'intégralité de ses positions. Rien ne justifie, donc, qu'il soit libéré après seulement dix mois d'emprisonnement au moment où Rabat fait mine de vouloir réchauffer ses relations avec Alger. Mieux, cette «grâce» risque carrément d'être interprétée comme un encouragement tacite à la prolifération d'initiatives similaires, ce qui n'aurait pour finalité que d'envenimer plus encore les relations entre les deux pays. Cela est d'autant plus vrai que les attaques ne cessent de se multiplier contre les autorités algériennes, allant jusqu'à qualifier certains camps de réfugiés sis à Tindouf de second Abou Ghraïb, au moment où Rabat se redéploie diplomatiquement afin d'amener Paris et Madrid à la soutenir dans ses visées colonialistes, en contre-partie de certaines concessions pétrolières situées en territoire sahraoui. Les spécialistes de la diplomatie s'accordent à dire que le Maroc ne saurait être sincère dans sa démarche, partant du principe où il continue de conditionner le règlement de la question sahraouie, à son profit exclusif, en contrepartie de la réactivation de l'Uma et de la normalisation des relations entre Alger et Rabat. Ce sont là, en gros, les commentaires parus dans la presse marocaine, traduisant ce que pensent les dirigeants du Royaume. Entre Alger et Rabat, la tension vient encore de monter d'un cran au moment où chacun s'attendait à une «trêve» dans le but de faire face, en rangs serrés, au fameux GMO dont les non-dits velléitaires demeurent pour le moins inquiétants.