La publicité via le support de téléphone mobile connaît une véritable explosion qui oblige l'ARPT à mettre des garde-fous pour empêcher les dérives éthiques et réglementaires. En réponse à des plaintes de citoyens, certainement nombreuses au regard de la floraison des jeux et concours publicitaires, une pratique devenue presque routinière pour les opérateurs de téléphonie mobile, l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) a cru devoir descendre dans l'arène pour asséner un coup d'arrêt à ce phénomène. Elle vient de prendre, il y a quelques semaines, une décision visant à “interdire aux opérateurs de la téléphonie mobile les jeux basés sur le hasard comme les jeux de SMS”. Sans regarder de trop près, il est indéniable que le recours abusif aux promotions publicitaires, de manière trop répétitive, avec un usage massif des médias, même s'il peut assurer des gains de score marketing, soulève quelques inquiétudes éthiques, déontologiques, voire même parfois réglementaires. Pour autant, l'ARPT est-elle dans son bon droit pour mettre aussi brusquement, et brutalement, un terme à une telle pratique marketing ? Le ressort de l'Autorité de régulation semble sain, et la motivation courageuse, d'autant que sa présidente a bien précisé : “Nous traitons tous les opérateurs de manière équitable.” Invitée par la radio Chaîne III, il y a quelques jours, Mme Derdouri a ainsi motivé la décision de l'ARPT : “Nous avons été saisis par quelques clients à travers le dépôt de plaintes (…) c'est la raison qui nous a amenés à arrêter ces tombolas et ces jeux de hasard.” Elle a également évoqué d'autres paramètres qui ont poussé le gendarme des télécommunications à prendre une telle décision : “Ces pratiques font naître dans l'esprit des consommateurs une espérance de gain susceptible d'être acquis par la voie du hasard. Il y a également le fait que ces jeux n'impliquent pas l'achat d'un produit de l'opérateur, mais une incitation à la consommation du crédit en payant le droit de participation ou en continuant à participer à chaque appel ou SMS.” “Ce sont tous les participants qui vont contribuer à payer le cadeau du gagnant.” La sortie publique de l'autorité de régulation de la poste et des télécom remet au devant de la scène le débat dans le cadre réglementaire à imaginer pour accompagner le marché publicitaire naissant en Algérie. Un marché en très forte croissance, notamment à l'occasion des événements sportifs, à l'image de la dernière Coupe d'Afrique des nations qui a fait exploser les revenus publicitaires, mais encore en mal de repères éthiques, déontologiques et réglementaires à même de permettre un assainissement des pratiques et une transparence dans les flux financiers générés ou investis par la publicité. L'Exécutif avait, il y a quelques années, initié un projet de loi sur la publicité que la deuxième chambre du Parlement a décidé de remiser au placard. Sans préjuger des ressorts d'une telle issue, d'aucuns ont applaudi cette mise à mort avec le secret espoir de ressusciter un véritable débat sur le marché publicitaire algérien, auquel participeront l'ensemble des acteurs, et qui servira à délimiter les champs d'intervention de chaque acteur, et à distinguer les activités à soumettre à la régulation institutionnelle de celles à laisser aux lois du marché et à l'action des professionnels. Domaine d'activité publicitaire en plein essor, l'affichage extérieur dans les grandes villes algériennes, plus particulièrement à Alger, se développe à un rythme effréné, parfois aux antipodes des règles les plus élémentaires devant régir cette activité. On se souvient que ce fut la wilaya d'Alger qui, en 2003, a décidé de prendre le taureau par les cornes en imposant une réglementation stricte aux activités d'affichage publicitaire en extérieur. Une décision difficilement applicable tant la mise en œuvre relève des prérogatives des municipalités, en principe, seules bénéficiaires des retombées financières de la location des espaces d'emplacement des panneaux publicitaires. Il est admis que l'activité d'affichage est généralement soumise à une réglementation par la loi pour permettre un équilibre entre la liberté d'affichage et la protection du cadre de vie et des paysages. Les pouvoirs publics sont tenus de réglementer les hauteurs et les emplacements des dispositifs publicitaires là où ils sont admis et de définir les zones où la publicité est interdite (hors agglomération, zones protégées, parcs naturels, monuments historiques…). Dans ce cadre légal, les autorités locales doivent être habilitées à prendre certains règlements spécifiques pour protéger le cadre de vie de leur territoire. La récente décision de l'ARPT permet, à l'occasion, de mettre en exergue la nécessité de voir dans les jeux et concours publicitaires la seconde activité du marché publicitaire, par ailleurs, éligible à une réglementation très stricte. En toute logique, l'ouverture de l'économie algérienne et le développement de l'économie d'entreprise devait aboutir à la recrudescence de la pratique des offres promotionnelles et de leur support, les jeux et concours publicitaires. Les jeux-concours sont une forte motivation d'achat pour les consommateurs et grâce à eux les ventes augmentent. Dans un magasin, un consommateur qui a le choix entre plusieurs produits achètera plutôt le produit porteur d'un jeu-concours. C'est pourquoi il y a de plus en plus de jeux-concours chaque année et donc de plus en plus de lots à gagner. Les jeux-concours sont des opérations publicitaires. Elles ont l'avantage pour l'entreprise d'être peu onéreuses par rapport à un message publicitaire télévisé et d'avoir un impact plus important dans l'esprit des consommateurs participants. L'ouverture récente du marché de la téléphonie mobile en Algérie a, naturellement, engendré ce flux de “batailles promotionnelles” entre les opérateurs pour asseoir une juste répartition des parts de marché. Dans ce flux, les pouvoirs publics sont interpellés sur des questions liées essentiellement à la réglementation des jeux de hasard et à la prévention de pratiques commerciales douteuses dans le cadre de la protection du consommateur. Ainsi, la Tunisie a codifié ces pratiques par une loi de juillet 2002, qui réglemente les jeux publicitaires ou “toute opération publicitaire visant la promotion des ventes et qui offre au public l'espérance d'un gain attribué aux participants par un tirage au sort ou par la voie du hasard ou un concours”, ainsi que les concours ainsi définis “tout jeu mettant en œuvre la sagacité, les connaissances, l'intelligence ou d'autres aptitudes des participants et sélectionnant les gagnants en fonction des résultats et non par la voie du sort”. L'intervention de la réglementation sert à prévenir tous les abus par la délimitation de certains paramètres, notamment, la distinction entre jeux et concours, les modalités de tirage au sort, et les tarifs applicables à ces actions publicitaires, et l'obligation de déclaration publique préalable, appuyée par un règlement général accessible à tous sur simple demande. Autant de lacunes dans le marché publicitaire algérien qui, faute d'un cadre juridique spécifique, ont fait descendre l'ARPT dans l'arène en lieu et place d'autres institutions censées prévenir les abus de ces pratiques marketing. R. M. (*) Universitaire