Une première en Afrique : un juge militaire ivoirien chargé de l'affaire du bombardement de la base militaire française de Bouaké en 2004 convoque des ministres français pour les auditionner en qualité de témoins. Le juge veut entendre Dominique de Villepin et Michèle Alliot-Marie, respectivement ministre français des Affaires étrangères et de la Défense au moment de ce bombardement de l'aviation ivoirienne. La demande d'audition du juge ivoirien a été adressée au procureur militaire d'Abidjan Ange Kessy, qui doit ou non donner son feu vert avant la fin de la semaine pour rouvrir le dossier. Rappel des faits : le 6 novembre 2004, des avions de combat des forces loyalistes ivoiriennes avaient bombardé un campement militaire français à Bouaké, dans le centre du pays, tuant neuf militaires français et un civil américain, et blessant 38 soldats, en réponse aux exactions de l'armée française dans la capitale de la Côte d'Ivoire que l'Elysée a toujours considérée comme faisant partie de son carré africain. En représailles à ce bombardement, la France avait détruit tous les aéronefs, avions et hélicoptères de l'armée ivoirienne, ce qui avait entraîné de violentes manifestations anti-françaises. Plus de 5 ans après les faits, l'enquête n'est toujours pas bouclée, même si plusieurs documents relatifs à l'affaire ont été déclassifiés, dont des notes de la DGSE, les services de renseignement français. Les familles des victimes pensent à une histoire de barbouzes, accusant le France d'avoir monté l'histoire du bombardement de son propre camp. Ils veulent savoir, selon leurs avocats, pourquoi la France n'a jamais arrêté les pilotes biélorusses des Sukhoï - 25 qui ont mené l'attaque contre le camp français de Bouaké alors que plusieurs suspects d'origine slave avaient été interpellés quelques jours après les faits, une première fois à Abidjan, puis à la frontière togolaise, le 16 novembre 2004, certainement les pilotes et leurs mécaniciens en fuite. Michèle Alliot-Marie, à l'époque ministre de la Défense, a-t-elle laissé filer les mercenaires ? Pour quelle raison ? On ne sait pas que feront les ministres interpellés par le juge ivoirien. Par contre, Alliot-Marie a accepté de répondre à la convocation du tribunal aux armées de Paris, qui juge les crimes et délits commis par ou sur des militaires en missions. Cette juridiction a lancé une procédure la semaine dernière afin d'entendre l'actuelle ministre de la Justice de Sarkozy qui était ministre de la Défense de Chirac au moment des faits. Y a-t-il eu un arrangement entre la Côte d'Ivoire et la France ? Probablement, et le prix serait que Paris ne commente pas l'élection annoncée de Gbagbo en mai à la tête de la Côte d'Ivoire. La France jusqu'ici était à froid avec Gbagbo qui le lui a bien réduit en s'en prenant aux “intérêts” de la France dans son pays. Il s'est même rapproché des Etats-Unis.