Tout le monde sait que l'économie est la science de la rareté. J'ajouterai en plus -pour en caractériser la complexité- que ce qui est rare peut devenir abondant et réciproquement. Ainsi chez nous, les excédents induisant assez souvent des gaspillages de ressources et la rareté que les entreprises et les ménages vivent quelquefois sous forme de pénuries sont toujours deux faces d'un même problème récurrent. Beaucoup de situations en témoignent en Algérie. La dernière en date concerne celle créée par la gestion de la récolte record de céréales (inattendue ?) de 61 ,2 millions de quintaux réalisée en 2009. Habitués à en acheter la majeure partie on a forcément du mal à gérer ces excédents de céréales et encore moins à en exporter une partie dont l'orge, car non préparés. Premier problème en amont celui des capacités de stockage qui sont insuffisantes. Plus préoccupant nous venons d'apprendre que nous ne disposons pas de stock national de sécurité en matière de céréales. Ce n'est que dans cette situation non programmée d'excédents ne disposant pas d'infrastructures de stockage que le Conseil des Participations de l'Etat (CPE) a, dans l'urgence, décidé d'octroyer 32 milliards DA à l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) pour réaliser de “nouvelles capacités infrastructures d'une capacité d'une capacité de stockage de 8,5 millions de quintaux”. Cela permettra notamment de constituer un stock de sécurité. Deuxième problème celui de la distribution des céréales produites localement, notamment de l'orge, aux transformateurs en lieu et place des céréales importées. De problème il devient source de conflit entre l'OAIC et les transformateurs privés. Car si pour le DG de l'OAIC “il est inconcevable d'aller importer le blé dur à coup de devises alors que la production nationale peut répondre aux besoins de tous les transformateurs”, ces derniers, affiliés au Forum des Chefs d'Entreprises (FCE), disent quant à eux faire toujours face à “des problèmes de sous approvisionnement récurrents” et quelquefois à celui de la qualité. Pour régler le conflit le ministre de l'agriculture revient aux fondamentaux : retour à l'instance de régulation et professionnalisation de la filière. Ainsi le Comité interprofessionnel des céréales déjà crée et regroupant les acteurs de la filière sera redynamisé et la filière mieux organisée avec l'appui des pouvoirs publics. On verra bien. Dans le même registre les mêmes causes créant les mêmes effets, on verra également sous peu si la régulation du marché de la pomme de terre engagée l'année dernière par le ministère de l'agriculture aura produit de bons résultats. Pour le moment on apprend seulement que ce secteur a décidé de ne pas indiquer les quantités stockées “pour ne pas ouvrir l'appétit des spéculateurs” dans cette “période de soudure (février, mars et avril”) entre deux campagnes. Dans le secteur industriel et celui du BTPH, on retrouve des problèmes de même nature. Par exemple celui du ciment dont le marché est désorganisé pour une raison essentielle celle d'une offre insuffisante. Le lancement d'un programme d'importation de deux à trois millions de tonnes de ciment est dû au simple fait que la production domestique est insuffisante face aux besoins induits notamment par le plan quinquennal 2010-2014. Le manque d'anticipation est beaucoup plus manifeste dans ce cas car tout le monde savait déjà ,dès le début de la première décennie 2000, que la demande en ciment augmentera avec un secteur du BTPH dont la croissance est à deux chiffres. Sans attendre la formalisation et la mise en œuvre d'une stratégie industrielle le pragmatisme commandait d'entamer la réalisation ,sous toutes formes possibles, de nouvelles cimenteries disposant à l'évidence d'avantages comparatifs (prix compétitif du gaz naturel et disponibilité de calcaire). Le cas échéant, les excédents de production de ciments pourront facilement être placés sur le marché euro méditerranéen. Nous sommes ainsi amenés à nous demander si, en l'absence de champions nationaux, d'une professionnalisation des filières et de l'organisation des différents marchés qui en assurent la transparence, le poids des intérêts des différents lobbies d'importation, y compris ceux des marchés informels, ne risque pas de devenir une variable importante d'ajustement de nos échanges extérieurs. Pour conclure on voit bien que le rôle régulateur de l'Etat dans l'organisation et la transparence des marchés est nécessaire mais doit -pour réussir- s'appuyer sur l'action industrielle et commerciale des entreprises. Une illustration : les bases affichées sur lesquelles a été lancé le projet de raffinerie de sucre de 700 000t entre le groupe français Cristal Union et le groupe algérien La Belle. Pour Cristal Union : “le caractère contra- cyclique de l'activité de raffinage par rapport à la production de sucre blanc est un atout important pour faire face aux évolutions divergentes du marché” et pour La Belle : “renforcer le potentiel de notre groupe dans la fourniture de produits agro-alimentaires sur notre propre marché et nous associer à un groupe européen solide et déterminé dans sa volonté de développer un partenariat prometteur”. Une démarche à méditer pour d'autres entreprises algériennes.