Il vibre, vrombit, chuchote, gazouille, sonne, chante des mélodies envoûtantes, stressantes et, parfois même, impossibles à supporter. Le cellulaire, désormais, est une partie intégrante de notre quotidien. Le chapelet ne quittait pas les mains de nos ancêtres, le mobile celles de nos enfants. Difficile d'imaginer la vie sans lui. Accros ou simples utilisateurs du téléphone mobile, chacun de nous choisit d'y mettre sa propre touche, histoire de personnaliser le compagnon qui ne nous quitte plus. Mais, au-delà de l'objet en lui-même, réside la difficulté de son utilisation, le choix de l'opérateur et les formules de promotions qui fusent de toutes parts, à donner le tournis. Les spécialistes du domaine s'accordent à dire que ce sont les jeunes qui sont les plus à l'affût de ces campagnes de séduction. Pour les “marketeurs”, c'est la “cible” privilégiée de ces campagnes. Pour y voir plus clair, commençons par la question-clé : “Possédez-vous un téléphone portable ?” Regard surpris, moue agacée et visage dubitatif des personnes interrogés. Trente-cinq millions d'Algériens, presque autant de numéros de téléphone, ma question me fait passer pour une extraterrestre : “Vous oubliez qu'on est en 2010 et bien loin du temps de monopole”, me répond sèchement un des interviewés. Alors, au bout de la sixième personne, nous passons directement à l'essentiel du sujet : “Que pensez-vous des promotions des différents opérateurs ?” Là, les visages s'éclairent, les consommateurs deviennent bavards comme si on venait de leur offrir un Flexy, Storm ou Arsseli : “C'est une très bonne chose qui nous permet de mieux profiter du téléphone”, lance le premier avec un enthousiasme nuancé car dans la jungle des promos, il faut être très inspiré pour s'y retrouver. “Ah oui, les promos, ne m'en parlez pas, je m'y perds complètement, heureusement que mon fils de 17 ans est là pour m'aider à y voir plus clair”, explique une dame. Dix-sept ans ? L'âge des ados les plus accros au portable. La multiplicité des propositions ne les effraie pas, ils sont même à l'affût de la toute “dernière trouvaille”. Direction Ben Aknoun. Là où se concentrent lycées et universités, où l'on retrouve le plus grand nombre de jeunes, des ados aux étudiants, au mètre carré. Paradoxe de ces accros de la technologie, mon enregistreur ne les rend pas loquaces. “Bloc-notes et stylo.” Les jeunes se détendent et les langues se délient. Aux abords du lycée Mokrani (I et II). Les commentaires fusent dans une ambiance bruyante et décousue. Ces lycéens, probablement moins passionnés si on leur avait posé une question sur la biologie, ont, par contre, une parfaite connaissance des promos émanant des différents opérateurs de téléphonie mobile. Une connaissance presque déconcertante. On nous les cite, à tue-tête, une à une, anciennes comme nouvelles. “Les promos les plus intéressantes sont celles que les opérateurs lancent au mois de Ramadhan”, nous dit-on d'emblée. On vient de tomber sur une “niche”. Cette fameuse cible des 13/18 ans, que les publicitaires en matière de téléphone mobile chérissent plus que tout avec leur pouvoir d'achat illimité grâce à des parents, grands “déchargeurs” de crédits devant l'éternel. Mais restons sur les promos : “Nous sommes très en retard par rapport aux autres pays”, nous dit un lycéen de l'établissement Amara-Rachid avec un air très sérieux, racontant que lorsqu'il reçoit les cousins émigrés lors des vacances d'été, il fait toute la différence sur ce gouffre commercial des offres d'opérateurs. Avec les options Internet et les pubs TV étrangères. Autre explication de la fascination des jeunes pour le portable. Davantage psychologique, version romantique : “Je suis un grand timide mais, grâce au téléphone, j'ai réussi à dépasser ce handicap et établir le contact avec les filles, et les promos sont intervenues comme une cerise sur le gâteau pour me permettre de discuter des heures sans souci. J'ai fini par tirer le numéro gagnant en trouvant la fille de mes rêves qui est aujourd'hui ma petite amie depuis presque une année, c'est chouette non !” nous confie d'un air jovial un étudiant de l'Institut national de planification et de statistiques de Ben Aknoun avant d'être hué par le reste de ses camarades qui nous expliquent que pour d'autres jeunes, cette facilité de communiquer à moindre coût a permis par ailleurs d'atténuer, un tant soit peu, de la souffrance d'être éloigné de leur famille. “J'habite la ville de Biskra et je suis installé chez mes grands-parents parce qu'ici, se trouvent les meilleures écoles supérieures. Mais ça va, le contact est permanent grâce à ces promos”, raconte un jeune étudiant de la faculté de droit. Le portable modérateur de distance en quelque sorte. “Ils disent qu'il s'agit de promos mais, je sais qu'ils trichent tous, ils ont juste trouvé un nouveau moyen de nous déplumer. ça reste quand même cher. Nous autres jeunes, nous communiquons en permanence alors que nous disposons d'un budget très limité”, se plaint un des jeunes rencontrés à l'Ecole supérieure de commerce d'Alger. Rejoint par ses amis, ils nous indiquent qu'ils dépensent en moyenne 1 000 DA par mois, jonglant ainsi avec leurs finances jusqu'à sacrifier, parfois, certains besoins pour ne pas se retrouver à court de crédit. “Nous devons toujours garder un seuil minimum pour pouvoir au moins biper, sauf qu'on ne peut pas faire ça avec les filles, c'est carrément humiliant. Alors, les promos, c'est vraiment la solution qui nous permet le luxe de ne pas perdre la face”, avouent la plupart d'entre eux. Du côté des “girls”, la situation est, en effet, tout autre. Elles sont considérées comme étant les plus enclines à papoter, et c'est le cas de le dire. Le recours aux SMS (short message) devient alors légion mais les promos sont, à leurs yeux, une véritable aubaine. “En très peu de temps, j'ai réussi à connaître beaucoup de choses sur mon copain car je discute avec lui lors des promos. Je n'en perds pas une miette et je possède une puce pour chaque opérateur et, parfois, on utilise une puce plus qu'une autre, c'est selon…”, raconte une jeune lycéenne de l'établissement Zineb-Oum-El-Massakine (ex-Saint-Elisabeth), sis à Télemly. “Les gratuités et autres promos me permettent de rester en contact permanent, de jour comme de nuit, avec mes amis et camarades de classe et on se tient au courant de tout. Ça nous aide même parfois à résoudre des soucis dans le cadre des études”, s'extasie une jeune étudiante de l'université de Bouzaréah (département langue ILE) qui certifie avoir dicté des pages entières à sa copine parce qu'elle avait un souci avec sa connexion Internet lorsque l'EEPAD (fournisseur d'accès à Internet) avait interrompu ses prestations. Ce n'est point le même topo une fois sorti de la capitale. Au lycée Boudiaf sis à El-Affroun, commune dépendante de la wilaya de Blida, l'engouement est moindre. Ici, dans cette bourgade de la Mitidja, la réalité sociale est tout autre et les jeunes ne se permettent pas le luxe des téléphones sophistiqués et, par conséquent, le besoin en consommation est aussi modeste. En comparaison avec les jeunes utilisateurs urbains, branchés et assez aisés. Le besoin de parler est cependant plus présent devant le manque de moyens et lieux de divertissement et de loisirs. La difficulté des contacts avec les filles vient ajouter son grain de sel, ce qui fait de la gratuité et autres promos des opérateurs de téléphonie mobile une véritable bouée de sauvetage. En un mot, le portable se démocratise grâce à l'engouement effréné des jeunes qui voient en leur objet fétiche le lien quasi vital vers la communication sociale. LIRE TOUT LE DOSSIER EN CLIQUANT ICI