Résumé : Da Idir veut garder Mohamed au village. Il ira même jusqu'à lui proposer certains avantages. Mais la fierté du jeune homme est bien plus grande. Il ne veut dépendre de personne… 16eme partie Le jeune homme demeure sans voix. Un autre à sa place n'aurait pas hésité une seconde pour donner une réponse favorable à toutes ces propositions qui, en quelque temps, le rendront le plus heureux des hommes. Mais pour Mohamed, les choses paraissaient trop simples et trop faciles pour un paysan comme lui habitué à négocier et à arracher lui-même ses droits et son dû. Il baisse la tête un moment et Da Idir remarque ses hésitations. - Tu veux prendre le temps de réfléchir. Je ne vais pas te brusquer. Ne me donne pas ta réponse finale avant d'avoir pesé le pour et le contre. Bien que je sache qu'au fond, tu as déjà pris une décision. Mohamed secoue poliment sa tête. - Non, Da Idir, je n'ai encore pris aucune décision. Les choses vont trop vite à mon goût. - Pourquoi les retarder alors que le hasard t'offre une belle opportunité de démarrer dans l'existence. - Je sais. Mais des choses aussi sérieuses que le mariage et la famille ne doivent pas se prendre à la légère. Je te donnerai une réponse, Da Idir, dans les meilleurs délais possibles. Da Idir se lève. - Je ne vais plus t'importuner mon fils. Prend ton temps. Mais sache que désormais tu ne devrais plus regarder Louisa dans les yeux. Il ébauche un sourire et poursuit : - Tu auras toute la vie pour cela, n'est-ce pas ? Mohamed sourit timidement avant de répondre : - Je ne regarderai pas Louisa dans les yeux Da Idir. En fait jusqu'à hier soir, je n'ai jamais eu à le faire. Ce sont les circonstances qui… - Oui, je comprends, l'interrompt Da Idir, mais quand deux jeunes gens se plaisent, toutes les issues sont bonnes. Satan parfois vient s'en mêler et c'est là où les choses virent au vinaigre. Je n'aimerais pas qu'un péché se pratique sous mon toit. Mohamed rougit. - Je ne l'aurais jamais toléré Da Idir. Je suis vraiment confus pour ce qui s'est passé hier, et je te promets que cela ne se reproduira plus. - Je crois en ta parole d'homme, Mohamed. Maintenant je crois qu'il est grand temps pour nous d'aller nous reposer après cette longue journée au marché. LA FUITE Da Idir s'en va rejoindre sa chambre, mais Mohamed demeure un long moment devant l'âtre. Il se sent coincé dans ses initiatives. Certes, il aimait Louisa d'un amour fou. Mais ce n'était pas du tout ainsi qu'il s'était représenté les choses. Pour lui, le premier but à atteindre, c'était la grande ville. Ensuite, il devrait penser à dénicher un travail permanent et à s'y installer avant de penser à prendre femme. Bien sûr, Louisa ne va pas l'attendre éternellement, mais il s'était tout de même promis d'en parler au préalable à Da Idir. Il aurait pu convaincre le bonhomme et lui prouver que ses intentions étaient des plus honorables. La nuit était bien avancée et le froid qui s'immisçait sous la lourde porte de la grande salle finit par convaincre Mohamed d'aller rejoindre son lit. Mais le sommeil le fuyait. Malgré sa grande fatigue, le jeune homme n'arrivait pas à fermer les yeux. L'image de la belle Louisa le hantait comme à ses habitudes, mais particulièrement cette nuit. Il revoit ses yeux noirs et ses long cheveux et sentit son cœur se serrer. Pourra-t-il refuser une telle aubaine ? Epouser cette jolie jeune fille et gagner définitivement l'estime de sa famille, ou bien s'entêter à gagner la grande ville où Dieu seul savait ce qui l'attendait. L'aube commençait à poindre lorsque Mohamed pu enfin s'endormir. Heureusement que les semailles étaient terminées, se dit-il avant de sombrer. Il ne se réveille que vers le milieu de la matinée et fut étonné de constater qu'il faisait grand jour. Il se lève promptement et s'habille avant d'ouvrir la porte qui donnait sur la courette. Il faisait une journée splendide et malgré le froid piquant des montagnes, Mohamed sentait la chaleur de ce soleil le pénétrer jusqu'aux tréfonds de lui-même. Il fit quelques pas dans la courette et fut surpris de voir que sa mère était assise non loin de là, occupée à tresser des fils de paille. Une occupation qu'elle avait adoptée ces derniers temps, depuis que ses yeux n'avaient plus leur ancienne lumière. Y. H. (À suivre)