“Nous nous sommes trompés. Nous nous sommes rendu compte que nous avons fait fausse route. En matière de privatisation et d'investissement, nous nous sommes cassé le nez.” Le ton a été donné, en juillet 2008, par le président de la République Abdelaziz Bouteflika dans un discours devant les maires. Il avait alors tiré un constat d'échec de la politique de privatisation et d'investissement. Une série de mesures “d'encadrement” de commerce extérieur et des investissements étrangers sont venues, une année après, joindre le geste à la parole. La loi de finances complémentaire 2009 avec ses dispositions, en particulier sur l'investissement étranger, les importations, l'institution du crédit documentaire comme unique moyen de paiement du commerce extérieur, a constitué l'évènement économique parmi les plus saillants de la première année, du 3e mandat du président de la République M. Abdelaziz Bouteflika. Si la philosophie générale qui fonde cette loi peut être comprise par les chefs d'entreprise, la préoccupation légitime des pouvoirs publics étant de contenir la croissance des importations et de maîtriser les équilibres de la balance des paiements, il n'en demeure pas moins que les profonds bouleversements dans l'organisation de l'économie nationale que certaines mesures ont introduits, sans aucune concertation avec les acteurs économiques et sans débat national — la loi étant prise par ordonnance — ont suscité et continuent de susciter de profondes inquiétudes au sein de la communauté des chefs d'entreprise. D'aucuns estiment que les mesures édictées par la loi de finances complémentaire pour 2009 ne constituent nullement la réponse appropriée ni aux préoccupations conjoncturelles des pouvoirs visant l'équilibre de la balance des paiements ni à celles des entreprises qui se trouvent lourdement pénalisées. Si la facture des biens de consommation s'est substantiellement allégée, en revanche la hausse des importations de biens d'équipement, une conséquence directe des investissements publics massifs engagés au cours du plan quinquennal 2005-2009, a largement contribué à une quasi-stagnation des importations de marchandises du pays. Du côté des entreprises, c'est la panique. Confrontées à une rareté des intrants, des arrêts de travail répétitifs de plusieurs jours sont enregistrés par beaucoup d'entreprises. La dernière enquête de l'Office national des statistiques révèle que le niveau d'approvisionnement en matières premières reste “inférieur aux besoins exprimés”. Selon certaines informations, plusieurs entreprises privées s'apprêtent à mettre en place des plans sociaux avec d'importantes réductions d'effectifs. Incontestablement la mise en place du crédit documentaire comme unique moyen de paiement des importations a engendré d'importants dysfonctionnements de la sphère économique, en même temps, elle a fabriqué l'inflation. Ce n'est pas l'unique incohérence de la politique économique. L'Algérie s'est empressée d'adhérer à la grande zone de libre-échange malgré les craintes soulevées par les chefs d'entreprise de production. Les importations de l'Algérie réalisées dans le cadre de la Zone arabe de libre-échange (Zale) ont connu une hausse de 46,6% en 2009, par contre ses exportations ont chuté de près de 50%. L'Algérie a perdu au change. Après plus d'une année d'adhésion de l'Algérie à cette zone (janvier 2009), la “liste négative” des produits exclus des avantages accordés dans le cadre de la Zone arabe de libre-échange a été revue à la hausse, le 15 janvier dernier, pour atteindre 1 511 produits. Le temps a fini par donner raison aux opérateurs économiques. C'est le cas aussi pour les autres dossiers, l'OMC, l'accord d'association avec l'Union européenne… le gouvernement semble naviguer à vue. Qu'il s'agisse de la restructuration des entreprises industrielles du secteur public ou bien d'autres grands dossiers économiques, leur mise en œuvre est marquée par beaucoup de lenteur, d'hésitation et même de recul. Il faut dire qu'en Algérie, comme ailleurs, les réformes économiques sont loin d'être une opération technique appelant des solutions purement techniques. Elles ont un enjeu de pouvoir, impliquant une modification des rapports de force au sommet de l'Etat et une redistribution des pouvoirs économiques et donc politiques. Ce qui explique l'absence de consensus entre les cercles dirigeants sur le modèle de développement à promouvoir, les choix de priorité en matière de politique industrielle, la place et le rôle du secteur privé dans l'économie… Comme l'avait souligné l'ancien ministre des Finances, M. Abdelatif Benachenhou, les nouveaux acteurs de la croissance existent, mais certainement pas assez nombreux. L'investisseur privé national et étranger investit et est disposé à investir davantage pour peu que les obstacles anciens et les nouvelles barrières soient levés. Les succès sont multiples et encourageants. Il suffit de prendre le soin de les regarder. Les projets sont nombreux et prometteurs. Des opportunités importantes de substitution aux importations et de promotion des exportations hors hydrocarbures sont de nature à porter la croissance hors hydrocarbures à deux chiffres et à créer des milliers d'emplois pour peu que les pouvoirs publics libèrent les initiatives.