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L'Etat, vingt ans après le FIS
Publié dans Liberté le 11 - 04 - 2010

Dans sa reculade sur la question du voile et du passeport biométrique, le ministre de l'Intérieur se contraint à improviser une fetwa : “relever le voile jusqu'au haut du crâne pour la photo d'identité” serait un procédé “qui n'est pas en contradiction avec la religion”.
Dans la division des tâches du mouvement islamiste, l'Etat est en train de prendre toute sa part, dans une telle surenchère rigoriste que les prêcheurs les plus rudes se font dépasser.
Revenant à une égale tolérance pour le voile et pour la barbe dans les photos d'identité, Zerhouni dit qu'il se fait juste quelque souci pour nos voyageurs barbus qui risquent d'endurer la sévérité des contrôles dans certains aéroports étrangers.
Dans une procédure dont on ne sait plus si elle a la finalité de conformer nos documents de voyage à des standards internationaux ou de dresser le fichier national de renseignement, le gouvernement est en train de marchander sur la question du voile et de la barbe islamiques, avec la trouille de heurter la susceptibilité intégriste. Faisant semblant de confondre l'intégrisme militant et l'ascétisme pieux, le pouvoir entre en émulation avec lui-même et redouble d'offres de piété.
Même les institutions économiques s'y mettent, à l'image d'Air Algérie qui prévoit de doter les vols programmés pour la campagne du prochain pèlerinage d'hôtesses en tenue compatible avec la mission. Un cadre de la compagnie s'enorgueillit du fait que la tenue spéciale hadj soit une innovation de l'entreprise et que même l'Arabie Saoudite, qui vit de pétrole et de pèlerinage, n'ait pas pensé à dédier un uniforme à cette sainte occasion.
Il n'y a pas que les maires et walis qui redoublent de zèle à fermer les restaurants servant de l'alcool et les bars qui sont engagés dans cette œuvre bigote d'assainissement religieux ; tous les dirigeants algériens croient pouvoir s'apprivoiser à l'agressivité islamiste et s'en éviter les effets en se faisant les champions de l'uniformisation intégriste. Ils se mettent à interdire les signes d'illicite et à promouvoir les signes de dévotion, chacun dans son domaine de compétence.
La loi et le règlement deviennent des prétextes à la campagne de “moralisation” et non l'instrument de promotion du bien-être du citoyen et de la défense de l'intérêt général. Et leurs initiateurs se font fort de démontrer sa compatibilité avec le précepte religieux, au prix, parfois, de douloureuses contorsions exégétiques, comme cette histoire de voile relevé “jusqu'au haut du crâne”. Ou en anticipant une demande qui n'est même pas conçue par les intéressés : jusqu'à plus ample informé, aucun pèlerin ne s'est plaint, par exemple, de la tenue des hôtesses de l'air.
Quand le Président conseillait aux femmes de ne pas fumer en public pour ne pas choquer les “égarés” retournés, on ne pensait pas que l'appel à la soumission aux desiderata comportementaux des militants islamistes allait être relayé par l'Etat lui-même.
Aujourd'hui, tout est fait pour proclamer la prise en charge institutionnelle des ambitions d'uniformisation islamiste.
Si au moins cette disponibilité normalisatrice de l'Etat s'était manifestée à temps ! Elle nous aurait épargné des centaines de vies.
M. H.
[email protected]


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