Ce qui ne devait être qu'une simple conférence sur le projet de chaîne méditerranéenne inscrite dans les travaux de la Copeam (Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen) à Paris, s'est vite transformé en confrontation directe entre l'un des actionnaires de la chaîne Nessma, Tarek Ben Ammar, et les responsables de l'ENTV. Tout a débuté quand le producteur tunisien, qui s'est présenté comme le P-DG de la Quinta Communication, a commencé à vanter les mérites de la chaîne tunisienne Nessma TV, (même si dans la salle aucune caméra de la chaîne n'était là pour immortaliser l'événement). “Nous avons fêté une année d'existence de la chaîne”, s'est targué Tarek Ben Amar, qui a oublié au passage que la chaîne existe depuis plus de trois ans grâce aux frères Karoui. “Nous sommes la première télévision du Maghreb et la plus regardée en Algérie”, rajoute l'actionnaire de Nessma, provoquant dans la salle de conférences de la grande bibliothèque François-Mitterrand un tollé parmi la délégation algérienne, fortement représentée par les responsables de la production de la coopération et les journalistes de l'ENTV. C'est un journaliste et écrivain algérien Badredine Mili qui prendra le premier la parole, pour remettre en place le producteur tunisien en disant que “cette chaîne n'a rien de maghrébine, puisqu'elle a été créée grâce à l'argent des Italiens et plus particulièrement de Berlusconi”. Badredine Mili est déjà intervenu le matin après la conférence du philosophe français Edgar Morin. L'écrivain algérien avait dénoncé, d'une façon fort intellectuelle, le fait que le philosophe français avait omis de parler des civilisations des pays arabes d'Afrique du Nord, et surtout d'avoir écarté la problématique du Proche-Orient et le rôle déstabilisateur d'Israël dans la région. Se sentant attaqué, Tarek Ben Amar rétorque en déclarant avec véhémence que “chez nous, dès qu'un Arabe lance quelque chose, on lui tombe dessus”. Le débat prendra une autre tournure quand un nouveau intervenant, en l'occurrence le responsable de coopération de l'ENTV, Mustapha Bennabi, prend la parole en dénonçant les chiffres d'audience en Algérie de Nessma, avancés par Ben Amar, précisant qu'il n'existe aucun instrument de mesure d'audience de la télévision en Algérie. Celui-ci répond au grand étonnement des présents que ces chiffres viennent de la présidence de la République. (laquelle ? tunisienne ou algérienne, il n'a pas précisé). Devant ces dérapages verbaux, qui risquaient de créer un incident diplomatique, le modérateur syrien d'EuroNews, Riad Muasses, a invité les intervenants à poursuivre leurs débats contradictoires à l'extérieur de la salle de conférences. Là, Tarek Ben Amar improvise une conférence de presse pour se défendre devant quelques journalistes algériens. “Je pars du principe que l'Algérie a ouvert le champ aux journaux, pourquoi n'ouvrirait-elle pas pour Nessma TV ?” déclare-t-il. Interrogé sur l'agrément de la chaîne Nessma, l'actionnaire de la chaîne appelle ensuite un représentant de Nessma TV, Fethi Ouidi, qui confirme que la chaîne a déposé un dossier à Alger et qu'elle a reçu la garantie d'avoir l'autorisation dans les prochains jours, c'est juste une question administrative. Interrogé sur les chiffres catastrophiques de Nessma TV en Tunisie en comparaison avec l'Algérie, il affirme que ces chiffres sont faux et qu'ils ont été créés par un institut de sondage tunisien payé par une chaîne de télévision concurrente. Au sujet de l'audience de la chaîne en Algérie, Ben Amar affirme que “Nessma est la première chaîne regardée des Algériens et que l'avenir et le peuple algérien nous diront si on a raison ou pas.” Avant de conclure ? Tarek Ben Ammar lance aux journalistes algériens : “Au lieu d'applaudir, vous voulez fermer, moi je veux ouvrir. En Tunisie, on a deux chaînes privées, vous n'en avez aucune !”