Les indiscrétions sur les opérations de l'armée contre les maquis terroristes se veulent peut-être rassurantes. Elles veulent annoncer la fin de l'insécurité qui règne en dehors des villes. Jusqu'ici, le pouvoir se contentait de néantiser et de revendiquer “la paix revenue”, malgré une précarité sécuritaire qui affecte l'essentiel du territoire, à l'exception d'une espèce d'Algérie utile faite d'îlots politiques et économiques surprotégés. Le silence gêné sur la pratique, largement répandue dans certaines régions, du racket illustre ce déni de réalité. Le piège de la démarche erronée de la “réconciliation nationale” s'est refermé sur nous. Contraint de compenser son échec sécuritaire, si tant est que la “réconciliation nationale” avait un dessein sécuritaire, par un discours magique, désincarné, sur une “paix revenue” que tout, sur le terrain, contredit, le pouvoir a inventé la double vie sécuritaire. D'un côté, une réalité faite de précarité populaire dans les villages et les zones rurales, de barrages routiers infranchissables sur les routes qui mènent aux centres urbains, de barricades autour des zones et enceintes sensibles, de rues obstruées aux abords des institutions, de recrudescence de la propagande et du recrutement de la part des groupes terroristes, de coups de force aussi sporadiques que meurtriers contre les forces publiques ; de l'autre, une vérité mythique, faite de vertu pacificatrice de la “réconciliation nationale”. Mais la multiplication des attentats meurtriers et des prises d'otages avec demande de rançon a rendu l'écart trop criant entre le réel et le virtuel pour qu'on continue à croire à la fiction du terrorisme “résiduel”. Le déploiement simultané de l'armée sur vingt-deux wilayas exprime les limites des incantations réconciliatrices face à une réalité sanglante. Outre qu'elle a permis de libérer les terroristes déjà neutralisés, la “réconciliation nationale” fonctionne comme un obstacle à la lutte antiterroriste. D'abord en désarmant de fait les Patriotes et les GLD, ensuite, et surtout, en abusant la société sur la réalité des enjeux. En se lançant dans une surenchère de concessions au profit des terroristes, jusqu'à se soucier du financement de la retraite à venir des anciens tueurs, le pouvoir fait montre d'une attention zélée qui fait douter de son assurance d'Etat. Le terrorisme “résiduel” ne se prive pas d'exploiter cet empressement pour présenter a contrario l'image d'un mouvement résolu, à travers sa propagande filmée sur Internet, notamment. Mais comme le commande sa nature sacrée, le système ne se trompe jamais. Même s'il décide d'un ratissage concomitant sur vingt-deux wilayas, ce n'est pas pour compenser le terrain que la réconciliation nationale a fait perdre à l'autorité de l'Etat. Cela n'a rien à voir : ici comme en tout autre domaine, on change son fusil d'épaule sans enregistrer l'erreur qui a rendu nécessaire le changement stratégique. De même qu'en économie, on ouvre et on ferme, au gré de l'état de la caisse, sans jamais capitaliser la leçon. Il n'y a pas d'échec pour qu'il n'y ait pas d'échouant. C'est peut-être cela le secret de l'immortalité du système : il n'admet pas l'échec ; il peut donc le répéter à l'envi. M. H. [email protected]