Cela fait des semaines que l'armée encercle les maquis de Yakourène. Entre les bombardements de cette forêt et le ratissage de Tassadort, il est question de lieux-dits de triste mémoire dont les noms avaient, un temps, disparu du langage sécuritaire : Tamesguida, Z'barbar… “L'étau se resserre”, nous dit-on. C'est une question tactique, mais il reste que l'étau se resserre apparemment un peu trop lentement. La couverture médiatique, quelque peu fantaisiste, ajoute à une situation où la confusion le dispute à l'élucubration : comme ce groupe de Yakourène qui comptait soixante éléments dont le fils de Ali Benhadj et des étrangers et qui passe quelques jours plus tard à cent quatre-vingts. On pouvait se gargariser de mots tant qu'il s'agissait de réconciliation nationale, une invention qui, justement, avait vocation à nous éviter d'assumer franchement les faits, ceux d'une guerre qu'on voulait faire semblant de pouvoir esquiver. De toute manière, il s'agissait de dissimuler une réalité derrière des propos magiques où la guerre du terrorisme devient “tragédie nationale”, le terroriste un “égaré” et le terrorisme, qui n'en finit pas, est virtuellement démenti par “la paix revenue”. Depuis le début de l'été, la réconciliation nationale fait profil bas. La politique est en vacances, à peine la question de l'abstention du 17 mai tourmente-t-elle encore le sérail, et les ministres restés en activité ne parlent que de disponibilité de l'eau, de pénurie de pomme de terre et de soutien des prix du lait et du blé. Il y a pourtant matière à se demander d'où sortent tous ces terroristes qui, de concert, se manifestent en Kabylie, dans les Aurès, à Constantine, à Jijel, à Annaba, à Boumerdès… Où sont passés les réconciliateurs ? Le pouvoir a, certes, la capacité de taire le choix d'hier pour revendiquer l'option du jour comme sa constante conviction. Mais, il n'y avait que le pouvoir pour célébrer la réconciliation salutaire et la paix par elle revenue. Et nous étions 84% à la plébisciter. Voilà qu'entre juin et juillet, nous passons de la certitude partagée que le terrorisme “résiduel” vit ses derniers soubresauts, que le reliquat de tueurs avait “le choix entre la reddition et le suicide” à des bilans de “trente criminels abattus” et de “cent quatre-vingts encerclés”. Le changement stratégique se fait politiquement discret pour échapper à la question qui s'impose : qu'est-ce qui nous fait passer d'une situation où l'on fête la paix revenue à une autre où l'on se jette dans une offensive militaire tous azimuts ? Est-ce à dire que, jusqu'ici, l'on a volontairement fait le choix de discourir sur un contexte entièrement imaginaire ou bien ignorait-on la vérité de cette situation jusqu'à ce que les terroristes décident de dévoiler leur réelle capacité de nuisance à Alger, à Lakhdaria, à Yakourène ? Sous Zéroual, l'expérience a été faite sous forme de tentative de “dialogue” et d'offre de “rahma” avant de revenir à l'incontournable nécessité d'affronter un terrorisme qui n'a rien d'accidentel. On vient de refaire l'essai avec de plus grandes concessions. C'est peut-être à force de fuir les bilans que nous nous condamnons à tout recommencer. M. H. [email protected]