On observe depuis quelque temps à Sétif un phénomène rare dont les acteurs sont les jeunes des cités qui ont pris l'initiative de s'occuper de ce qui reste comme “espaces verts” pour les nettoyer de leurs détritus et y planter des arbres et en y érigeant des clôtures. La ville, en effet, cumule un niveau de dégradation environnementale et civique, malgré les interventions des autorités pour améliorer le cadre de vie, et tel qu'il n'est plus possible que les choses continuent. Mais cela reste insuffisant si d'autres mesures d'accompagnement ne sont pas instaurées, à savoir une bonne gestion, un suivi et un contrôle permanent, mais aussi la répression en cas de manquement. Même s'il faut reconnaître une expansion rapide à bien des égards, Sétif, jadis réputée pour sa propreté et son hospitalité, est devenue, soudainement, une ville où il ne fait pas bon vivre. Les citoyens ont leur part de responsabilité dans cette dégradation. Ils n'ont pas encore ce respect pour l'environnement, soit par ignorance des notions, soit par intérêt ou carrément par paresse. Les constructions illicites continuent à s'ériger malgré quelques campagnes de démolition. Il y en a encore qui s'arrogent le droit de greffer des “excroissances” à leur appartement du rez-de-chaussée sans être inquiétés. L'intérieur des logements fait l'objet de transformations continues qui pour inclure le balcon et “gagner” une chambre, qui pour détruire un mur porteur et agrandir le salon, qui pour ouvrir une fenêtre en trouant une structure. Les déchets qui en découlent sont souvent jetés dans “les espaces verts ou aires de jeux”. Presque tous les locaux prévus pour le commerce, au bas des immeubles, ont été transformés en appartements. L'incivisme et la délinquance sous toutes ses formes, routière, violence, drogue, vol, se multiplient et se répandent. L'incivisme et la délinquance sous toutes ses formes Les pouvoirs publics contribuent, eux aussi, à cette déliquescence en n'entendant et ne voyant rien. L'absence de l'Etat, que représentent les élus et autres commis, est avérée, au point que cela touche tous les aspects de la vie. Que ce soit en matière d'urbanisme, de commerce, de transport, de santé publique ou de répression de l'incivisme. En matière d'urbanisme, le laxisme a encouragé des comportements insolites. Il y a d'abord les bidonvilles, tels celui d'Aïn Trik, situé en banlieue sud-est, toujours en extension, ou celui de Chouf Lekdad, près de l'université, qui défient la nature, la raison et les autorités qui restent impuissantes face à la complexité du phénomène, ensuite nous avons des façades d'immeubles défigurés par des modifications anarchiques des balcons portant, parfois, atteinte à la structure. Nous avons aussi cette impunité suite au non-respect des plans de construction des maisons qui prévoient des jardins, des espaces d'aération et une certaine esthétique. À titre d'exemple, la cité Tlidjène, réputée pour ses villas avec jardin, se métamorphose lentement pour laisser place au béton, et ce à cause d'un entrepreneur qui a trouvé l'idée d'acheter les villas situées sur les angles pour y ériger des immeubles de 3 étages avec garages, dont on se demande par quelles prouesses “juridiques” il arrive à les vendre en appartements ! Le constat est valable pour la cité des Cheminots. Ces immeubles d'une laideur indicible, qui s'élèvent dans ces lieux inappropriés, au détriment du paysage urbain, ont été érigés avec des permis de construire faisant fi des lois et règles urbanistiques. Presque tous les espaces verts prévus, aires de jeux ou parking des autres cités ont été achevés, il y a bien longtemps, et attribués à des promoteurs pour y rajouter des immeubles ; même ceux des cités, dont les habitants sont propriétaires. Les citoyens qui ne cessaient de dénoncer ou de protester ont été carrément négligés. Chacun sait qu'il suffit de connaître quelqu'un de bien placé dans les rouages pour se permettre tous les écarts. Là est le drame ! Dès lors, que peut bien faire la police urbaine, même si son rôle est bien défini ? Motif avancé parfois pour expliquer son immobilité. En matière de VRD et plus précisément d'adduction des eaux pluviales, d'assainissement et de voirie, beaucoup reste à faire. Il suffit d'un orage et presque toute la ville est inondée avec tout ce que cela engendre comme désagréments. Des efforts particuliers doivent être déployés dans ce domaine et plus précisément dans la gestion et l'entretien, mais aussi du point de vue technique. Les trottoirs, “ces chemins surélevés réservés aux piétons”, ne sont plus que des escaliers de deux à quatre marches. Même aux normes, ils sont souvent impraticables, car squattés par les commerçants qui les ont intégrés en devantures avancées de leurs boutiques ou occupés par un genre de kiosque de 1 m2 en bric-à-brac au début pour devenir, impunité aidant, de vrais bazars de 10 à 20 m2 érigés en dur quelques mois après. En matière de commerce, c'est vraiment le souk au sens nuisible du terme. L'exemple du marché de fruits et légumes que l'on appelle souk Abacha, auquel se sont greffés autour sur les trottoirs et chaussées, tels des tentacules, des étals d'un commerce informel, dominant, défiant toutes les lois humaines ou divines dont il est fastidieux ici de citer les désagréments occasionnés et surtout les atteintes à la sécurité et à la santé des citoyens. Des tonnes d'ordures décomposées empoisonnent l'atmosphère par leurs odeurs nauséabondes. Le sud de la ville vit l'enfer depuis des années avec ce souk, ces grossistes de la cité Kerouani, ces marchés de gros des fruits et légumes, de bestiaux et de véhicules, ainsi que l'abattoir communal. Même les mosquées, ces lieux de prières et de méditation, ne sont pas épargnées. On imagine la pagaille qu'il peut y avoir avec des alentours pleins de vendeurs, y compris de poisson, vociférant à tue-tête à la sortie des fidèles, et les routes encombrées de véhicules qui stationnent même en troisième position ! Certains espaces publics ont même été accaparés par des bandes organisées pour les louer en guise d'espaces commerciaux ou de parkings sauvages. Ce qui ne manque pas de susciter des jalousies et des rivalités souvent violentes. Combien de bagarres ou de vols se sont déroulés sur ces endroits ? “Un territoire sans loi” Le transport urbain semble suffisant, mais désorganisé. Le parc privé est vétuste. Il offre un spectacle des plus désolants. Certains véhicules (bus et minibus) s'apparentent à des épave, et les citoyens qui les empruntent endurent, chaque jour, les pires désagréments. Sales, polluants et inadaptés, on se demande comment ont-ils pu obtenir toutes les autorisations de mise en circulation ? L'exemple le plus frappant, par son concentré d'anarchie et de débandade, est bien l'axe routier route de Sillègue. Malgré quelques interventions de bitumage et enfin des rondes de police, il reste toujours laborieux du fait de sa configuration et des pratiques insensées qui sont incrustées dans les consciences. Comment, en effet, résoudre cette équation ? Un axe routier d'environ 2 000 m, large pour juste 2 bus. Théoriquement à sens unique, mais pas dans les faits. Le stationnement est théoriquement alternatif, mais jamais respecté. Des semblants de bus, dans leur majorité, qui ne respectent ni les horaires ni les arrêts, et qui font la course au client. L'absence continue de contrôle, de sanction, fait dire aux citoyens de cette grande cité, abritant le tiers de la population, qu'ils habitent “un territoire sans loi” au point ou des énergumènes négligent la ceinture de sécurité. Pour ce qui est de la criminalité, on doit dire que Sétif, qui était relativement épargnée par l'insécurité et le banditisme, fait face, depuis quelques années, à une recrudescence de la délinquance sous diverses formes ; phénomène qu'il faut prendre en charge à bras-le-corps. Outre les attaques aux biens d'autrui, les faits de violence sur des personnes et la délinquance routière, on enregistre des cas d'agressions sur mineur, d'associations de malfaiteurs, de faux et usage de faux, de falsification, de trafic et vente de drogue, des affaires de mœurs. Combien de faits criminels graves se rapportant à des crimes de sang ont été rapportés par la presse. Le bilan de la Gendarmerie nationale, en 2007 et 2008, fait apparaître une nette progression de la criminalité dans la wilaya de Sétif, surtout dans les infractions et délits au code de la route. Si dans un passé récent, le Sétifien était prompt à affronter et à dénoncer les déviations, aujourd'hui, il le fait de moins en moins et les services de sécurité, de leur côté, n'interviennent exceptionnellement où lorsque les faits peuvent présenter un danger. L'absence de réaction constatée chez beaucoup d'agents devant des faits délictueux (griller un feu rouge, stationnement et dépassement interdits, rixes et autres incivismes) n'est pas de la mansuétude, mais bien qu'il y a problème auquel il faudra trouver une solution. Car il faut signaler que les agents sont eux aussi, souvent, moins considérés et mal protégés quand ils font leur devoir sans distinction. Les exemples de menaces quand ils appliquent la loi ne manquent pas. La raison n'accepte la sanction que lorsqu'elle est équitable et non discriminante. C'est la sensation de sécurité qui encourage le civisme. Il est donc urgent de changer de démarche et de méthode pour, d'une part, regagner la confiance du citoyen et, d'autre part, permettre aux agents d'accomplir correctement leur devoir.