Annoncé la semaine dernière par le wali d'Alger, le relogement avant-hier d'une première vague des habitants des chalets de la capitale a concerné plus de 400 familles. Une opération qui s'étendra dans les jours à venir jusqu'à épuisement des 5000 logements prévus à cet effet. La volonté des autorités de la wilaya à en finir avec l'image misérable et hideuse de la mégapole est plus que certaine. Reportage. Les agents des collectivités locales et des différents offices et Epic de la wilaya (Opgi, Netcom, Asrout, Edeval, Egctu, Hurbal, Egpfc), se sont accommodés depuis quelque temps au réveil à l'aube. Les 2 000 personnes mobilisées pour l'accomplissement de cette tâche, loin d'être une sinécure faut-il le rappeler, étaient en poste pendant que la ville dormait encore. Il est 8h. Le site “Les Ondines”, dans la commune de Bordj El-Bahri grouille de monde. Une noria de camions attend les dernières formalités pour prendre la route. C'est le deuxième voyage pour ce chauffeur aux yeux rougis par le manque de sommeil. Il a pris le volant juste après la prière du fedjr. Ils sont 800 comme lui à faire la navette. Côté gestion de l'opération, la situation est parfaitement maîtrisée. “Normal, c'est la cinquième opération relogement en moins d'une année, on finit par avoir les réflexes”, confie un des organisateurs. Devant le chalet aménagé en bureau de coordination, la foule est grande. Les agents de sécurité font de leur mieux pour contenir “les assaillants”. À l'intérieur, on vient pour confirmer son nom sur les listes ou se plaindre du contraire. L'emballement est parfois de mise quand la réclamation est rejetée. On nous explique que dans pareilles circonstances, la mauvaise foi est un recours qui peut rapporter. Mais c'est compter sans la vigilance des organisateurs. Le wali délégué de Dar El-Beïda, Abdallah Benmansour, supervise et intervient en cas de litige. Pourquoi avoir commencé par ce site demandons-nous ? “Tout simplement il s'agit du site qui abrite les plus anciennes familles issues des bidonvilles de cinq circonscriptions administratives. Elles seront dispatchées entre Baraki, Eucalyptus, Dergana, Bordj El Bahri et Souidania. En principe il n'y a pas de problème dans la mesure où tous les dossiers ont été étudiés depuis une année. Il est vrai aussi que beaucoup de chalets étaient inoccupés. Pour cela, les familles n'ayant pas été recensées officiellement vont s'attendre à de mauvaises surprises même si des dossiers sont toujours en examen. Nous avons enregistré 51 cas dont les dossiers ne sont pas clairs. Le relogement d'aujourd'hui s'inscrit dans le cadre du programme des 10 000 logements lancé par la wilaya d'Alger et dont la moitié est destinée aux occupants des chalets. Les familles seront relogées au fur et à mesure des livraisons de logements”, répond le wali délégué. Partagées entre joie et mécontentement, les familles des “Ondines” font des va-et-vient de fous. Et même pour le meilleur, on essaie de garder une dernière image du lieu où on a vécu durant des années. Pour certains, la nostalgie n'a pas droit de cité dans ce qui était pour eux un enfer. Ammi El Djilali est au bord de l'allégresse. “Je partirai sans regret de ce maudit chalet rongé par l'humidité. Le sol tient à peine sous nos pieds alors que le toit nous arrose durant notre sommeil. Quelle misère avons-nous vécue ! Partir ? Le plus tôt possible”, dira le vieux luron avec un sourire jusqu'aux oreilles. Un groupe de femmes en baluchons est du même avis. Apprenant qu'elles ont affaire à la presse, elles nous demandent de l'écrire avant de mettre à contribution leurs cordes vocales dans un youyou à réveiller un mort. Promesse tenue. La plus âgée fera savoir que durant plus de vingt ans elle a toujours créché dans une baraque. “Je suis extasiée de savoir que je vais pouvoir enfin loger dans un logement en dur. Comme des gens civilisés. Peu importe pour le moment si c'est petit. F2 ouF3 cela m'est bien égal”, confie la mémé avant de nous gratifier d'un autre youyou moins convaincant. Dans un autre chalet, Aboubakr-Seddik Bouseta, wali délégué de la CA d'Hussein Dey, accompagné du P/APC de la commune de Belouizdad, M. Lagoune, reçoit quelques plaignants. 47 familles issues du centre de transit du 162, rue Hassiba-Ben-Bouali seront relogées à Baraki. Un homme du troisième âge accompagné de sa fille annonce qu'il n'est pas question d'habiter dans cette commune prétextant “la mauvaise réputation” de cette localité. Le commis de l'Etat lui signifie un niet catégorique tout en lui suggérant de rejoindre son logement et de formuler par la suite un recours. Sa fille prend la relève et supplie le responsable de laisser sa famille sur les lieux pendant une année ? Le temps qu'un autre site soit disponible. Le commis de l'Etat reste sur sa décision. Le vieux au bord d'une crise essaie de faire valoir son âge et surtout les vingt-cinq années passées dans les rangs de l'armée. On lui expliquera alors que la décision est irrévocable. Le wali délégué a tenu à préciser dans ce cadre qu'il n'est pas possible d'accorder une telle faveur qui risque de faire tâche d'huile. Visitez Haouch El-Mihoub et ses aménagements urbains La circonscription administrative de Baraki qui a souffert durant plusieurs années de l'isolement imposé par la conjoncture terroriste, connaît actuellement un essor enviable. L'implantation de projets de logements, entre autres, contribue de façon sensible à son développement. C'est Haouch El-Mihoub, un petit havre de paix dans la commune de Baraki, qui a été retenu pour abriter la cité des 718-Logements devant recevoir une partie des habitants des chalets “Les Ondines”. Une très belle citée réalisée par l'Opgi de Dar El-BeIda dont le DG, Tarek Souissi est fier. Rencontré sur les lieux, il refuse même de nous faire une visite guidée. “Choisissez le bâtiment que vous voulez, on vous ouvrira toutes les portes que vous désirez. La qualité est la même”, s'est-il contenté de dire. On ne pouvait que confirmer sa déclaration. Pour des logements sociaux, on est vraiment loin de l'époque du bâclage. Au niveau du site, l'équipe est au complet: le wali délégué, Mohamed Lebka, le directeur du logement, Mohamed Smaïl, le directeur de l'urbanisme et de la construction, Abdelkader Djellaoui, le maire de Baraki, ainsi que les représentants des corps constitués. Le directeur régional de la distribution de l'électricité et gaz, Loucif Lakehal, nous a confié que tous les branchements ont été effectués. Les raccordements des 500 logements ont été réalisés en un temps record d'un mois. Le directeur du logement dont la tâche est des plus essentielles a donné tous les détails de l'opération. “L'opération d'aujourd'hui est mixte. Elle porte sur le relogement de 151 familles du bidonville de Haouch El-Mihoub et 402 familles des chalets des Ondines originaires de cinq circonscriptions administratives, à savoir Dar El-Beïda (174), Sidi M'hamed (161), Hussein Dey (47), Bir Mourad Raïs (14) et Bab El-Oued (6). Ces familles sont affectées sur six sites d'accueil : Haouch El-Mihoub qui reçoit 213 familles en plus des 151 du bidonville, Eucalyptus (153), Dergana (11), Bab El-Oued (10) et Said Hamdine (6). C'est la cinquième opération d'un programme qui a concerné jusqu'à l'heure actuelle près de 2500 familles.” S'agissant des chalets, c'est la deuxième opération, la première a concerné les habitants de Haouch Ellouz dans la commune d'Aïn Benian. À noter également les opérations de relogement de Diar El-Kef, Diar El-Baraka soit 704 familles auxquelles viennent s'ajouter les 402 d'aujourd'hui ce qui porte un total de 1 100 familles transférées des chalets vers des logements décents. Ce qu'il faut retenir essentiellement c'est que l'opération de ce jour a demandé une organisation rigoureuse et une gestion délicate surtout en matière de combinaison des effectifs. Tenir des séances de travail au niveau des CA et prendre en charge la gestion de la ville, avouez que ce n'est pas une sinécure. Dieu merci, tout est réglé comme du papier à musique. Le relogement, comme l'a annoncé le wali en différentes occasions va se poursuivre jusqu'au mois d'octobre. Il concerne les bidonvilles intra et extra muros, les chalets, les quartiers populaires de Diar Eschems, Diar El Kef, Diar El Baraka. Construire bien c'est désormais un défi relevé. Eradiquer l'habitat précaire est une autre prouesse que la wilaya d'Alger est en train de réaliser. D'ici octobre prochain, plus de 5000 logements seront attribués aux familles habitant les chalets. On ne peut dans la foulée occulter les efforts entrepris pour rendre le séjour agréable aux nouveaux occupants de ces dizaines de cités dans la capitale. Les aménagements extérieurs, notamment les espaces verts, les aires dédiées à la pratique sportive et à la détente font désormais partie du décor des cités qui ne sont plus comme à une certaine époque des dortoirs. Pour le directeur de l'urbanisme et de la construction, il faut retenir aussi derrière les différentes opérations de relogement une autre opportunité : la récupération du foncier. À Haouch El-Mihoub, pas moins de cinq hectares que la wilaya reprend pour les destiner à des projets d'utilité publique ou des espaces verts. C'est aussi une politique du wali d'Alger qui vise à “nettoyer” la capitale et lui donner le visage qu'elle mérite à partir des horizons 2015-2020.