Selon elle, l'examen de l'appel risque de prendre du temps au niveau de la Haute-Cour. La défense de Rafik Khelifa compte exploiter toutes les voies de recours pour invalider la décision d'extradition de son client en Algérie. “Le dossier est loin d'être clos”, prévient Anita Vasisht. Aussitôt après le feu vert du Home Office mercredi dernier, l'avocate de Wilson & Co a entamé les démarches nécessaires pour introduire un appel auprès de la Haute-Cour. Ecartant l'idée selon laquelle l'ancien golden boy pourrait retourner en Algérie par le premier avion, elle estime que le chemin est encore long, avant qu'une décision définitive soit rendue dans cette affaire. Selon Me Vasisht, la justice offre à Khelifa plus d'une chance pour plaider sa cause et empêcher qu'il soit renvoyé dans son pays. Si par malheur, la Haute-Cour confirme le verdict du tribunal de première instance, la Chambre des lords sera saisie. Dans le cas extrême où les différentes institutions britanniques sont unanimes, le milliardaire déchu pourra toujours adresser une requête à la Cour européenne des droits de l'Homme. Ne sachant pas exactement combien de temps la Haute-Cour prendra pour examiner l'appel, Anita Vasisht pense que la procédure pourrait être longue. “Quelle que soit la décision de la Haute-Cour, la partie mécontente fera appel à nouveau”, présage l'avocate. Techniquement, le recours, que la défense de Khelifa compte introduire devant la Haute-Cour, doit être déposé au bureau du greffe avant le 13 mai prochain ; il comportera un exposé des faits et l'ensemble des arguments qui le justifient. Un magistrat sera désigné pour se prononcer sur la recevabilité de la requête. S'il est d'accord, une audition sera programmée en présence des protagonistes. Théoriquement, un délai de cinq mois est dévolu aux juges de la Haute-Cour pour préparer une audience. Mais cette période pourrait être plus longue. Si le dossier leur paraît complexe, les juges ont la possibilité de réclamer un délai supplémentaire pour l'étudier. Tout récemment, la Haute-Cour est intervenue dans l'affaire du pilote algérien Lotfi Raïssi, faisant pression sur le gouvernement pour lui octroyer des indemnités, sur la base de sa condamnation arbitraire, à la suite des attentats kamikazes du 11 septembre 2001. D'ordinaire cette institution se prononce sur des points de droit dans les affaires qui lui sont confiées, mais elle peut aussi avoir sa propre appréciation des faits. Dans sa requête, la défense de Khelifa brandira les menaces de maltraitance et d'assassinat, qui, selon elle, pèsent sur son client, pour convaincre les juges d'invalider la décision d'extradition. “Je suis un homme mort si on me renvoie là-bas”, alertait Khelifa, mardi dernier, à partir de sa cellule de prison à Londres. Dans sa décision le lendemain, le Home Office a révélé avoir reçu des gages du gouvernement algérien, montrant que l'ancien golden boy n'encourt aucun danger, en cas de transfert. Les assurances portent principalement sur la suppression de la peine capitale dans les affaires de crimes économiques. “Aucune condamnation à mort n'a été mise en œuvre depuis 1993”, a précisé le ministère de l'Intérieur britannique dans une lettre explicative qu'il a envoyée à la défense de Khelifa. En juin dernier, le juge Timothy Workman, du tribunal de Westminster, autorisait l'extradition de Khelifa en s'appuyant justement sur les assurances diplomatiques de l'Etat algérien. Selon lui, le transfert comporte des garanties conformes aux fondements de la Convention internationale des droits de l'Homme. Les auditions concernant le dossier d'extradition ont duré 16 mois. Elles avaient commencé en mars 2008. De son côté, le Home Office a mis dix mois pour faire connaître son propre verdict. Quatre délais lui ont été octroyés par la justice pour mûrir sa décision. Cette fois, les autorités britanniques n'avaient plus le moyen de réclamer un nouvel ajournement. Dans moins d'une semaine, des élections législatives se dérouleront dans le pays avec une forte probabilité pour les travaillistes de céder leur place au pouvoir. Dans le feu vert du Home Office, la défense de Khelifa y voit une décision politique. Le quotidien The Guardian affirme détenir des documents montrant que le transfert du milliardaire déchu a fait l'objet d'un deal entre les Britanniques et leurs homologues algériens. Cet accord tacite comporterait un transfert concomitant de Khalifa et de présumés terroristes dont le Royaume-Uni voudrait se débarrasser. “Notre client n'est impliqué dans aucune affaire de terrorisme mais le gouvernement l'utilise comme une monnaie d'échange”, s'indigne Me Vasisht. Ce genre de présomptions pourrait appuyer son plaidoyer devant les magistrats de la Haute-Cour, ou plus tard, au sein de la Chambre de lords. À la fois législative et judiciaire, cette dernière institution constitue l'ultime recours pour Khalifa en Grande-Bretagne. En 2008, elle appuyait le transfert d'individus impliqués dans des activités terroristes en Algérie. Mais cela ne les a pas empêchés de s'adresser à la Cour européenne des droits de l'Homme. À ce jour, les magistrats de Strasbourg n'ont pas rendu leur décision. À ce rythme, il est à craindre que l'affaire Khelifa se transforme aussi en feuilleton interminable. L'ancien patron de l'empire éponyme a été arrêté en mars 2007 par la brigade économique et financière de Scotland Yard, sur la base d'un mandat d'arrêt européen lancé contre lui par un tribunal parisien. Au même moment, la justice algérienne le condamnait par défaut à la réclusion à perpétuité pour association de malfaiteurs, vol qualifié, détournements de fonds et faux et usage de faux. Jusque-là, sa défense dans le dossier d'extradition était assurée par Anna Rothwell en collaboration avec Ben Branden. Mais le départ de Me Rothwell pour un autre cabinet d'avocats a conduit Wilson & Co à confier l'affaire à Anita Vasisht. Connue dans les milieux de défense des droits de l'Homme, Cette avocate très expérimentée a travaillé à Amnesty International et a représenté cette organisation à Genève. Elle est spécialisée notamment dans les dossiers d'immigration et de demande d'asile. Parmi ses clients figurent de nombreux Algériens.