Lorsqu'un golden boy ruiné, ayant provoqué l'un des scandales les plus sordides que l'Algérie ait connu, a le malheur d'apprendre la nouvelle de son extradition vers son pays d'origine, le suspense reste entier. Moumen Rafik Khalifa devra ainsi exploiter tous les filons qu'offre la justice britannique pour éviter la justice algérienne. La procédure britannique d'extradition est déjà suffisamment compliquée pour lui permettre de gagner du temps. Depuis que le tribunal de Westminster a donné son autorisation d'extradition, en juin 2009, l'avocate de Moumen Khalifa, Anita Vasisht, a entamé la procédure d'appel auprès de la cour et rien ne pourra se faire sans que la justice britannique rende publique sa décision définitive. « Il faudrait d'abord savoir si la cour d'appel a statué pour pouvoir juger de la possibilité de son extradition », nous explique Me Mokrane Aït Larbi, avocat. S'il est certain que l'autorisation du ministère britannique de l'Intérieur est un grand pas vers l'extradition du play-boy algérien, les démarches administratives s'avèrent aussi longues que difficiles. Khalifa peut désormais introduire un recours devant la Cour suprême dans un délai qui ne saurait dépasser les quatorze jours. Dans une méticuleuse explication de la procédure d'extradition, Mokhtar Lakhdari, directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, expliquait à l'APS, en juin dernier, que la durée du procès devant la Cour suprême britannique « dépend des moyens et des éléments invoqués par le demandeur et des arguments que lui opposera la partie adverse ». En principe, a-t-il précisé, « la Cour suprême statue sur des points de droit, mais le débat pourra s'étendre à des questions de fond s'il s'agit de faits nouveaux qui n'ont pas été discutés devant la premier juge et qui sont de nature à remettre en cause la décision d'extradition ». L'ultime recours dont disposera Moumen Khalifa sera la Chambre des Lords (House of Lords), la Chambre haute du Parlement du Royaume-Uni, composée de plus de 700 membres nommés à vie. Devant cette prestigieuse institution britannique, la plus haute instance judiciaire du pays qui ne traite que des affaires qui relèvent de « l'intérêt national britannique », il lui faudra de convaincre que la Grande-Bretagne gagnerait à se préoccuper de sa cause. S'il devait passer devant la Chambre des Lords, Moumen Khalifa aura certainement besoin d'un brillant avocat et d'une magistrale plaidoirie, s'appuyant – comme d'habitude – sur les risques de « liquidation » à Alger, invoqués dans les tabloïds londoniens cette semaine. « L'homme d'affaires algérien fait face à une éventuelle extradition malgré les mises en garde des services de sécurité britanniques », titrait il y a quelques jours le journal The Guardian. Au cas où Khalifa échouerait à toutes les voies de recours, l'affaire deviendrait alors diplomatique et irait nettement plus vite. Le gouvernement britannique, selon les explications de Me Aït Larbi, a allégé les procédures d'extradition depuis l'affaire du terroriste réfugié à Londres, Rachid Ramda, qui n'a, pour rappel, été renvoyé en France qu'après dix ans de batailles juridiques. Dans la mesure où l'Algérie et la Grande-Bretagne ont déjà signé une convention d'extradition, il ne devrait plus y avoir de couacs supplémentaires. Mais tout cela appartient au domaine de la supputation, car dans une affaire aussi importante, le suspense reste entier. Le dénouement dépendra, peut-être, des négociations en coulisses entre les responsables des deux pays.