Dans la rue, les scènes de violence à l'égard des femmes sont de plus en plus banalisées. Que dire des violences qui se déroulent à huis clos, au sein de la famille ou au sein du domicile conjugal ? Le paroxysme de la violence qui vise les femmes a été atteint, une fois de plus, avec les expéditions punitives qui viennent à nouveau de se produire à Hassi-Messaoud, visant des toits matriarcaux et cela dans l'impunité la plus totale, exacerbant dès lors ces agressions physiques qui vont en appeler d'autres malheureusement. Si les femmes algériennes, aujourd'hui, sont victimes de violence physique, elles sont aussi la proie de violences psychologiques qui sont tout aussi graves, conduisant à la destruction de la personnalité du “moi” menant au suicide ou à la dépression. Des situations et des cas qui ne sont pas comptabilisés dans le macabre décompte. Car pour mieux mesurer ce que représente la violence à l'égard des femmes, il y a des chiffres qui doivent interpeller tout un chacun et qu'il faut garder à l'esprit chaque jour. Ainsi, nous apprenons que pour le seul premier trimestre 2010, la Sûreté nationale a enregistré à l'échelle nationale plus de 3 860 actes de violence contre des femmes, dont 2 497 physiques. Seize femmes sont décédées sous les coups de leurs agresseurs ou à la suite de coups portés contre elles. Ces chiffres effarants ne sont que la partie visible de l'iceberg puisque les trois-quarts du temps, les victimes de violence ne déposent pas plainte et continueront ainsi à subir des agressions dans un silence terrible, à l'abri des regards et de la “bonne morale” de notre société. À Oran, durant le seul mois d'avril, trois femmes sont mortes des suites d'agressions perpétrées par leur conjoint avec un caractère aggravant, celui de la préméditation ! Dans le service de médecine légale du CHUO, 50 à 60 femmes, victimes de violences conjugales, viennent quotidiennement se faire ausculter. Les médecins vous le diront, quel que soit l'établissement hospitalier aux quatre coins du pays, ces femmes sont “des habituées”. Les données que nous avons reprises ont été révélées par un juriste qui, en partenariat avec l'association féminine d'Oran, Fard, assiste et conseille des femmes en détresse, prises en charge par cette association au sein de la cellule d'écoute qui fonctionne depuis un an. Pour les militantes des droits des femmes, il est plus que temps d'agir sur plusieurs aspects. Ainsi en plus de la lutte et de la revendication d'un code de la famille plus égalitaire, un collectif d'associations féminines, de juristes et de spécialistes travaille à un projet “pour criminaliser les actes de violence à l'égard des femmes” comme expliqué par nos interlocutrices. Le législateur n'a pas hésité à criminaliser la harga bien qu'il n'y ait pas en la matière de violence, alors que les femmes sont au quotidien agressées, battues, violentées au sein-même du couple, jetées à la rue avec leurs enfants… n'y a-t-il pas là matière de crime ? Ce projet “Stop à la violence” doit amener les législateurs et les juristes à aller vers une spécificité des actes de violence à l'encontre des femmes puisque, pour l'heure, aucune distinction n'est faite entre une agression dans la rue pour voler les boucles d'oreilles d'une jeune fille et les violences conjugales. Le travail lancé par le réseau Balsam, qui regroupe 10 cellules d'écoute gérées par des associations au niveau seulement des wilayas d'Alger, d'Oran, de Annaba, Constantine et de Tizi Ouzou, permettra de récolter des données pour mieux diagnostiquer l'ampleur du phénomène et ainsi mieux agir.