24 ans après “La Dernière Image” de Lakhdar Hamina, “Hors-la-loi”, le dernier film du cinéaste franco-algérien Rachid Bouchareb, signe le retour de l'Algérie en compétition officielle du Festival de Cannes dont la 63e édition débutera aujourd'hui. Avec cette sélection parmi les quinze films en compétition, incontestablement, le cinéma algérien atteint un summum jamais égalé depuis belle lurette. Quel sens donner à cette ultime distinction ? Est-elle le reflet d'un dynamisme de terrain ou annonciatrice du renouveau dont on n'a pas cessé de renouveler l'échéance ? De prime abord, il faut relever la ténacité et la créativité des cinéastes algériens malgré les moyens dérisoires dont ils disposent. Dans ce sens, il y a lieu de comprendre que le renouveau ne peut se faire à coup de décrets suffoquant la créativité. Au contraire, il s'accompagne par des mesures d'encouragement à même de créer un dynamisme capable de stimuler et porter la création cinématographique au sommet. Ainsi, malgré les zones de turbulences traversées par l'Algérie, le cinéma algérien a été un outil de résistance et n'a jamais été réduit à néant. En effet, plusieurs réalisateurs, entre autres, Malek Bensmaïl, Saïd Ould-Khélifa, Lyès Salem, Tarek Teguia, Mohammed et Yamina Chouikh n'ont point cessé d'écumer les scènes festivalières et de célébrer l'Algérie sur les podiums de festivals internationaux en emportant prix sur prix. En réalité, la présence à Cannes de cette grosse production franco-italo-tuniso-belgo-algérienne de 19,3 millions d'euros, dont 30% d'apports algériens, suite d'“Indigènes”, a peu étonné. Depuis ses premiers courts métrages et “Cheb” (1991), plusieurs fois récompensé, notamment à Cannes, du prix “Perspectives du cinéma français”, jusqu'à London River, en compétition à la Berlinale en 2009, avec à la clé l'Ours d'argent du meilleur acteur, Rachid Bouchareb a réalisé un chapelet de films. Il signe “Bâton Rouge”, Grand prix du Festival d'Amiens en 1985, fonde en 1989, avec Jean Bréhat, sa société de production, réalise “Poussières de vie et Little Senegal”, présenté en compétition à Berlin en 2001, et “Indigènes” (2006) qui reçoit respectivement le Prix collectif d'interprétation masculine au Festival de Cannes, le César du meilleur scénario et est nommé pour l'Oscar du meilleur film étranger. Malgré ce riche parcours, les critiques ne se taisent guère. Il serait regrettable d'utiliser le triomphe de ce film, à l'instar de quelques victoires footballistiques, pour cacher la réalité lamentable dans laquelle baigne le cinéma algérien. Outre cela, les critiques sont aux aguets : ils veulent voir comment Rachid Bouchareb va-t-il traiter ce sujet sensible et va-t-il arriver à extraire la Révolution algérienne du poids idéologique et à la faire entrer dans le prisme du grand cinéma à même de lui redonner sa vraie gloire et dimension universelle. A voir !