Il ne s'agit pas, selon lui, d'oublier le passé, mais non plus de s'y fixer. “On doit se projeter ensemble dans un nouvel avenir”, dit-il, reprenant le message “fort” de Sarkozy. Le rôle d'un ambassadeur est de voir à long terme. L'histoire doit servir l'avenir. Une projection qui s'inscrit et s'inspire du discours du président Sarkozy à Constantine, selon l'ambassadeur de France à Alger, M. Xavier Driencourt, qui a estimé, en marge de sa visite à Miliana, que le président français a été très loin dans sa condamnation de la colonisation. Il ne s'agit pas, selon lui, d'oublier le passé, mais non plus de s'y fixer. “On doit se projeter ensemble dans un nouvel avenir”, dit-il, reprenant le message “fort” de Sarkozy. Le diplomate se place ainsi loin dans la polémique et du débat passionnel entre Alger et Paris autour du passé historique. Une page qui revient régulièrement ponctuer les relations entre les deux pays. L'ambassadeur a refusé de parler du projet de loi sur la criminalisation de la colonisation. “Ce n'est pas à moi de commenter une éventuelle proposition de loi d'un groupe de parlementaires algériens. C'est une initiative algérienne”, dit-il, reconnaissant qu'une telle éventualité n'est pas souhaitée par Paris. “Cela pourrait créer de possibles remous si elle allait à son terme”, a-t-il ajouté. Il se place également au-dessus de la polémique autour du film de Bouchareb Hors-la-loi, tout en rappelant la liberté d'expression et de création en France et le droit légitime des artistes. Il s'est montré désolé pour cette polémique inutile autour d'un film qui n'est pas encore sorti dans les salles. Le ton et le temps étaient plutôt à la réconciliation en cette belle journée du 11 mai à Miliana. Invité par la Fondation pour la mémoire de la Wilaya IV historique, M. Xavier Driencourt n'a pas hésité malgré le contexte de tension persistante entre Alger et Paris et les lectures qui peuvent être faites de son geste. Passé la ville de Khemis-Miliana avec ses éternelles poussières, ses constructions hybrides et incohérentes, comme la majorité des agglomérations qu'on n'a su ni agrandir ni restaurer ou moderniser, la route sinueuse en côte annonce un radical changement de décor. L'étroite route qui monte est bordée de verdure, de maisons éparpillées avec un peu partout des vergers, des arbres fruitiers. De majestueux platanes bordent par endroit le serpent de bitume donnant à ces lieux l'air d'un tunnel végétal. On monte encore et encore mais sans fatiguer le regard malgré les multiples virages. Puis, le goudron s'achève soudainement. Tout le monde descend pour continuer une centaine de mètres à pied. Première escale et grande surprise. La fonderie de l'Emir Adelkader, première manufacture d'armes juste au pied de Miliana. Plantée à même le flanc de la montagne, cette grande bâtisse domine toute la plaine. Elle a été fondée en 1839, un choix stratégique de l'Emir. En hauteur, une rivière passe à proximité et le minerai apparaît (mines du Zaccar). Des épées et des canons de cette époque témoignent encore de l'activité de cette fonderie qui était “gérée” par un ingénieur français, le capitaine du génie militaire Alquier Cazes qui avait déserté l'armée française. Les ouvriers sont des prisonniers et des déserteurs. Lorsque Miliana est tombée, elle a été transformée en moulin à blé pour alimenter la garnison. La fonderie a été restaurée, mais bien des équipements anciens sont conservés comme la roue hydraulique, les moules en acier et en pierres, le martinet… Aujourd'hui, c'est un musée, un lieu de pèlerinage où l'on peut trouver encore la “raya” de l'Emir, ce qui est peut-être le premier drapeau algérien. Rectangulaire, vert des deux côtés et blanc au milieu avec une “khamsa” ; un exemplaire sera d'ailleurs offert à l'ambassadeur. Fin de la visite guidée, mais d'autres surprises attendent plus haut. On contourne la fonderie, on remonte encore jusqu'au sommet. Petite vieille ville propre avec partout des arbres, des platanes surtout… un environnement qui tranche nettement avec “la ville d'en bas”, l'ordinaire. Architecture coloniale rattrapée par endroit par le style moderne. Par une allée bordée de vieux et ombrageux platanes on arrive au Centre, au cœur de la ville où trône un minaret avec un cloche qui sonne chaque quart d'heure. On traverse la place. En face, comme un fort, avec un grand mur d'enceinte et une grande entrée. On s'engouffre dans une sorte de couloir, à gauche, la résidence de l'Emir et à droite une habitation qui était occupée par les soldats. Aujourd'hui, c'est le musée de l'Emir-Abdelkader. Le chemin, jalonné de pièces archéologiques, donne sur une grande esplanade. Un plateau dominant toute la vallée. Pour les Milianais, c'est le pic des Blagueurs. La Pointe. Pays de Ali Amar qui jouait sur cette placette avant de se convertir en “hozzi” après avoir tabassé un responsable de la mairie. Il se réfugiera à Blida, puis Berrouaguia avant d'atterrir à Alger. La suite de l'histoire de Ali La Pointe est connue. M. Xavier Driencourt est “ébloui” par la vue, le lieu et son architecture. “J'aime bien ce type de paysage. Parce que cela ressemble un peu au Massif Central”, dit-il. “Miliana est parmi les plus beaux paysages que j'ai vus en Algérie”, a-t-il précisé. Grandiose, a-t-il conclu, lui qui a visité 24 wilayas, sans Marseille ! dit-il pour rire. La tournée s'achève avec un match de football entre des employés de l'ambassade et des jeunes de l'association. 4-2 pour l'équipe locale, et on a eu droit même à un one Two Three Viva l'Algérie scandé en chœur par les deux équipes.