Un administrateur est nommé à la tête de l'établissement. Cette liquidation coûtera 150 millions de dollars à l'Etat. La commission bancaire, relevant de la Banque d'Algérie, vient d'enclencher, après El Khalifa Bank, le même processus de liquidation pour la seconde banque privée, à savoir la Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA), synonyme de fermeture de l'établissement. En effet, elle a décidé jeudi dernier de lui retirer l'agrément et de nommer un liquidateur, au motif qu'elle y a constaté une situation d'illiquidité et d'insolvabilité, indique le communiqué de la commission bancaire. Ce qui veut dire, si l'on suit cette dernière, que la BCIA, contrairement aux déclarations de son patron, M. Kherroubi, n'a pu combler le trou de 7 milliards de Da. La commission précise que cette situation d'illiquidité et d'insolvabilité empêche la banque privée de remplir ses obligations envers les tiers. Par ailleurs, la commission bancaire motive également sa décision par un second constat. À l'issue d'une audience disciplinaire, tenue mardi dernier, pour statuer sur les accusations contre cette banque, elle a relevé l'incapacité de ses actionnaires à apporter un soutien financier à leur banque à la demande des autorités monétaires, une procédure prevue en application de la loi. En termes simples, selon le communiqué, ils n'étaient pas en mesure de renflouer les caisses de leur établissement. Il s'agit d'un veritable constat de défaillance de la BCIA. La situation se résume ainsi : la commission bancaire n'était pas satisfaite des réponses apportées, à l'issue de l'audience, d'où la décision de retrait d'agrément et de mise en liquidation de la BCIA. Sans en fournir les détails, la commission bancaire a également examiné les observations et critiques des commissaires aux comptes de la BCIA sur la sincérité des comptes sociaux de cette banque, avant de prononcer sa décision. Le communiqué indique qu'elle s'est appuyée sur l'article 156 de la loi sur la monnaie et le crédit de 1990, modifiée et complétée, pour décider de retirer l'agrément à la BCIA. La commission rappelle que la même procédure avait été appliquée à El Khalifa Bank. Cela dit, son communiqué paraît très prudent. Devant les parlementaires, le Chef du gouvernement n'a pas hésité à parler d'un trou de 7 milliards de DA. Dans le même sens, des sources concordantes du milieu bancaire nous ont confié qu'un rapport avait été remis à la Banque d'Algérie il y a quelques années, faisant état de graves irrégularités et de graves violations de la réglementation bancaire par la BCIA, notamment des dérives dans la politique de crédit. La commission bancaire n'avait pas réagi. Il a fallu que cela “pourrisse” et que l'on arrive donc à une situation insoutenable avec le lourd contentieux avec la BEA pour que les autorités monétaires réagissent. Mais il ne faut pas s'y tromper, la décision de la commission bancaire est politique. Il y a consensus au sommet de l'état pour fermer d'abord El Khalifa Bank, la BCIA ensuite. Les deux banques bénéficiaient d'appuis de pontes du régime, d'où leur rapide et spectaculaire ascension. Elles ont été lâchées aujourd'hui parce que leurs graves dépassements, touchant à la sécurité financière et l'image du pays, ont éclaté au grand jour, ici et à l'étranger, entraînant une large unanimité au sommet pour dissoudre ces deux banques. La crainte que ces scandales finissent par éclabousser le régime actuel a incité nos gouvernants à fermer au plus vite El Khalifa Bank et la BCIA. À présent, il s'avère que les principales victimes sont les petits déposants qui n'ont pas été protégés par la banque des banques des dérives des gestionnaires. N. R. Implications de la fermeture de l'établissement Une perte de 150 millions de dollars L'Etat, après les deux milliards de dollars d'El Khalifa Bank, devra encore débourser 150 millions de dollars, en vue de faire face aux effets de la fermeture de la BCIA. Il devra effacer cette ardoise, faute d'avoir stoppé leurs dépassements à temps, nous indique une source bancaire sûre. Concernant l'indemnisation, le communiqué de la commission bancaire n'évoque, selon l'APS, que les petits déposants de la BCIA. Selon ce texte, ils devront récupérer leur argent à travers les mécanismes mis en place par la société de garantie des dépôts bancaires. Quant aux entreprises et autres gros clients, ce sera sans doute par le biais de l'opération de liquidation de la banque. De son côté, la BCIA, dans un communiqué parvenu à la rédaction, informe ses clients, titulaires d'un compte devises, qu'ils doivent se présenter à ses guichets sous quarante-huit heures, pour retirer leurs avoirs. “Le contentieux avec la BEA est la goutte qui a fait déborder le vase. La Banque d'Algérie était déjà sur la piste des manœuvres frauduleuses de la banque. La BCIA, dans ce contentieux, n'a pas honoré des échéances, en raison de la défaillance de ses clients. Mais, elle a garanti des effets dans ce contentieux qui dépassent par plusieurs fois son capital social. Ce qui défie les règles de prudence. La BEA est également responsable. Elle a escompté des effets de la BCIA, sans s'assurer si la BCIA pouvait honorer ses échéances. C'est une décision de l'agence et non de la direction de la BEA. Mais en excluant les banques privées de l'encaissement-décaissement des chèques, on a empêché que la BCIA puisse rembourser”, nous explique une source bancaire sûre. En tout état de cause, les affaires El Khalifa Bank et BCIA sont à l'origine de l'exclusion des banques privées du marché monétaire et des opérations de chèque. Ce qui pénalise les banques privées qui respectent la réglementation. Il en existe en Algérie. La situation de défiance à leur égard du reste profite aux banques publiques et aux filiales de banques étrangères. À l'extérieur, les banques refusent de confirmer les lettres de crédit des banques privées locales. À cela s'ajoute une éventuelle dégradation du risque Algérie l'an prochain, si les autorités ne bougent pas. N. R. Qui est Kherroubi ? Contrairement à une information répandue, la famille Kherroubi ne fait pas partie du cercle algérien restreint des multimilliardaires en dinars. Mais sa richesse, elle la doit, antérieurement, à des affaires au Maroc. Elle s'est installée depuis trois ou quatre générations à Oran où elle dispose de biens immobiliers, notamment des hôtels. Natif de Médéa, le patron de la Bcia, Ahmed Kherroubi, a bâti sa fortune dans le commerce et la production de biens agroalimentaires. La création de la banque lui a été facilitée par une disposition ne l'obligeant, au départ, qu'à libérer 25% du capital fixé à 1 milliard de dinars. Bénéficiant d'une véritable cagnotte, la BCIA devient rapidement la seconde banque privée du pays, après El Khalifa Bank. Kherroubi voit alors les choses en grand. Très vite, il constitue un portefeuille de projets très ambitieux : une compagnie aérienne Rym Airlines, un immense complexe immobilier, une raffinerie d'huile de grande capacité à l'Ouest et de grosses unités de dessalement, pour aider l'Etat algérien à faire face à la pénurie d'eau. Cette diversification bute contre les capacités financières de la banque. Car, pour créer une compagnie aérienne, il faut énormément d'argent. Les Américains alertent les autorités algériennes, selon une source bancaire, à la demande de Boeing, constatant que la BCIA n'a pas honoré une seconde échéance relative à la livraison d'aéronefs destinés à constituer la flotte de la compagnie Rym Airlines. Le contentieux avec la BEA a fini par liquider tous ces projets. N. R.