Le retrait des avoirs des épargnants provoquerait une inflation monétaire. «La liquidation d'El Khalifa Bank est une décision arbitraire et non conforme à la législation», soutiennent les clients de cette défunte institution, mise en liquidation, réunis hier au siège de la direction de la comptabilité d'El Khalifa Bank. Selon un expert financier, «toute liquidation doit d'abord être proposée par la Banque d'Algérie après plusieurs contrôles et avertissements». «De ce fait, la responsabilité incombe à la Banque d'Algérie qui n'a pas accompli sa mission en ne faisant pas des contrôles opportuns sur la gestion d'El Khalifa Bank», affirme cet expert en finances. En effet, El Khalifa Bank n'est plus et sa mise en liquidation a été anticipée. En désignant, le 3 mars dernier, un administrateur provisoire à la tête d'El Khalifa Bank, la Banque d'Algérie (Banque centrale) avait mis fin à la gestion désastreuse de la première banque privée algérienne qui, à terme, mettait en danger la stabilité du système bancaire algérien et sa crédibilité. La commission bancaire, désignée pour éplucher les comptes d'El Khalifa Bank à la suite de nombreuses irrégularités, avait déclaré les dirigeants de cet établissement incapables d'assurer «dans des conditions normales» le fonctionnement de l'entreprise. Une allégation que les clients de cette institution réunis hier au siège de la direction de la comptabilité réfutent en avançant: «Lors de sa liquidation, les créances de la banque s'élévaient à 52 milliards de centimes. De quelle faillite parle-t-on?» Parmi les griefs retenus contre l'Etat par le comité celui relatif au capital d'El Khalifa Bank reste le plus important. «Lors de sa création, Moumen Khalifa n'a déposé que 125 millions de dinars sur les 500 millions (plus de 6 millions de dollars) devant constituer le capital global de la banque, seuil minimum défini par la réglementation. De ce fait, pourquoi la Banque d'Algérie n'est-elle pas intervenue car El Khalifa Bank s'est retrouvé en porte-à-faux avec la législation en vigueur?» La seconde question, qui revient sur les lèvres des clients, «s'il lui est reproché aujourd'hui des malversations condamnables qui ont émaillé son parcours depuis 1999, pourquoi donc a-t-on attendu si longtemps pour les dénoncer, les rendre publiques?» Rassemblés en association, les déposants d'El Khalifa Bank, dans une lettre adressée au Président de la République, exigent le remboursement intégral de leurs avoirs. «Le Chef du gouvernement a pris la décision politique de rembourser les investisseurs étrangers. Nous exigeons à ce que ce soit de la même façon», ont soutenu les responsables du comité des clients qui se sentent sinistrés par ce séisme qui a secoué les institutions financières nationales. Par cette politique de deux poids deux mesures, l'Algérie ne veut pas perdre de sa crédibilité auprès des investisseurs étrangers. «Mais nous aussi, nous sommes des opérateurs et des épargnants et nous participons au développement de l'économie de notre pays. Il y a eu un problème dont l'Etat a l'entière responsabilité. Il est plus qu'évident que l'Etat doit, aujourd'hui, prendre ses responsabilités et rembourser tous les déposants sans distinction aucune», ont martelé les épargnants convaincus de la justesse de leur revendication, mais surtout déterminés à aller jusqu'au bout de leur logique. Une décision qu'il juge à contre-courant de celle des pouvoirs publics qui avaient plafonné le montant d'indemnisation à hauteur de 600.000 dinars du règlement n° 97/04 du 31 décembre 1997. D'ailleurs, le rassemblement a failli tourner au vinaigre quand les clients ont commencé à scander: «Ulac smah, ulac» et «Hogra ça suffit». En outre, les épargnants n'arrivent pas à comprendre pourquoi les bilans de Khalifa n'ont jamais été publiés et restent indisponibles même au niveau du liquidateur. Concernant l'indemnisation des épargnants, l'avocat du comité soutient que le liquidateur «a affirmé qu'il a signé à ce jour 2000 chèques au profit des clients et que l'opération devrait prendre fin en janvier prochain». En outre, il avance que pour les épargnants dont les avoirs dépassent les 600.000 DA «l'opération d'indemnisation débutera le 3 août prochain en fonction des rentrées d'argent». Pour résoudre ce problème, le collectif des clients proposent que «les chèques de Khalifa soient transférés au nom du Trésor public ou bien de la Banque d'Algérie qui prendra en charge les clients». Au cours de l'entretien, le comité a soulevé un autre problème de fond qui risque de nuire au développement économique du pays. En effet, selon des experts en comptabilité présents sur place «si le problème n'est pas résolu au plus vite, ce sont les institutions financières qui perdront de leur crédibilité. Ce qui obligera les épargnants à ne plus mettre leur argent dans les banques». Parmi les conséquences, une inflation monétaire incontrôlable. Un état de fait qui risque de porter préjudice à la popularité du Président de la République qui compte se présenter à un second mandat présidentiel.