Le plan de développement, qui devait débuter avec l'année 2010, a été comme suspendu. Puis un semestre après son démarrage officiel, le montant de l'enveloppe a doublé. Un peu comme dans une surenchère : ce n'est plus 150 milliards de dollars, mais 286 ! On aurait pu ajouter : qui dit mieux ? Car l'inflation budgétaire semble, par elle-même, tenir lieu de programme. Le gouvernement fonde-t-il sa légitimité sur le fait de dépenser toujours plus ? Ou bien faute de légitimité, suggère-t-il qu'avec lui la rente coulera toujours plus abondante ? Ou bien compte-t-il sur les appétences que suscitera une telle prodigalité pour lui procurer le soutien dont sa politique le prive. Au fond, c'est la dépense qui a changé, pas le plan. Puisque 130 milliards iront compenser les retards et les réévaluations des projets inscrits dans les programmes 2004-2009 et précédents. Mais 130 milliards, ce n'est plus un simple “parachèvement de grands projets déjà entamés”, c'est un second financement de ces projets. Après quoi, il ne restera que 156 milliards à investir, presque l'exact montant initialement prévu pour 2010-2014. Ainsi, ce qui est présenté comme une revalorisation du plan 2010-2014 n'est qu'une réévaluation des programmes antérieurs. Sauf que cela représente le doublement du montant “du programme de soutien à la relance de la croissance” qui ne nous coûte plus 150 milliards, mais 280 milliards de dollars. En fait, on nous présente le montant du programme qui vient de s'achever comme étant celui du programme qui débute ! Pour atteindre un tel niveau de “restes à réaliser”, avec de tels surcoûts, il fallait certainement une absence totale de maîtrise de la planification, de l'évaluation et de la gestion des projets et des budgets. Ce qui implique la question suivante : comment fera-t-on pour passer d'une telle impuissance à maîtriser la gestion des investissements dans un premier programme à une soudaine rigueur dans la conduite du suivant, sans changer de gestionnaires ? Ou bien faudra-t-il engager des dépenses de compensation des surcoûts du plan 2010-2014 dans un plan 2015-2019 ? Ce qui reviendrait, pratique inédite dans la planification d'Etat, à envisager les retards et surcoûts comme éléments volontairement tolérables à rapporter indéfiniment au plan suivant. La démarche à l'avantage de rendre inutile toute évaluation de la politique d'investissement de l'Etat. Mais, parce qu'elle s'affranchit de toute exigence de développement et de croissance économique productive hors hydrocarbures, elle a surtout l'inquiétant inconvénient de reposer sur le postulat d'une croissance continuelle des recettes pétrolières. Ainsi, le raisonnement est peut-être court et naïf, mais le pays est probablement condamné à entrer en crise financière le jour même où se produirait une éventuelle dévaluation du baril. On comprend pourquoi le ministre de l'Industrie pense à tort à rapatrier les réserves de changes et le ministre de l'Energie passe son temps à scruter l'horizon boursier. M. H. [email protected]