L'année 2010 sera-t-elle une nouvelle année de crise ou de reprise ? Les experts restent divisés sur cette question même s'ils estiment que les pays les plus touchés par la crise financière mondiale devraient sortir progressivement de la récession, mais pas avant le deuxième semestre, si ce n'est à la fin de l'année. Selon Eric Chaney, chef économiste du groupe AXA, l'ampleur des stimuli budgétaires et la reconstitution des stocks devraient éviter le risque d'une rechute de l'activité mondiale en 2010, mais, à terme, la demande privée devra impérativement prendre le relais des politiques de relance. Selon cet économiste, la crise est loin d'être finie, «dans les pays industrialisés, l'activité économique n'a pas retrouvé son dynamisme d'avant-crise et il faudra plusieurs années avant que l'on revienne à des niveaux d'activité comparables. En outre, les canaux de financement des économies sont encore en partie bouchés». Il expliquera qu'en revanche une sortie de crise se construit d'un point de vue dynamique. «Nous sortons de la crise à une vitesse rapide. L'évolution du commerce mondial est à ce titre convaincante. Après une chute de plus de 20% consécutive à la faillite de Lehman, le commerce international a bondi de 8% depuis le mois de mai. Bien que ce rythme de progression soit sans doute amené à ralentir dans les mois à venir, les craintes de rechute de l'activité mondiale me paraissent excessives.» En Algérie, un pays en voie de développement, la crise mondiale n'a pas eu d'effets directs mais à retardement. Ce n'est que cette année que le pays va ressentir les séquelles sur ses revenus pétroliers. Mais quel impact durable aura la crise sur les relations économiques entre l'Algérie et les pays qui l'ont subie de plein fouet ? La France, un partenaire privilégié de l'Algérie, reprend peu à peu quelques couleurs. La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a avancé dernièrement le chiffre d'une croissance de l'ordre de 0,3% au quatrième trimestre 2009. Le gouvernement, qui table sur un recul de 2,25% du PIB sur l'ensemble de l'année, veut croire à un léger élan pour 2010, tout en rappelant que la France réussit deux fois mieux que ses voisins européens. Les instituts de conjoncture économique misent sur une relance entre 0,7 et 1,5%, sous réserve que le chômage ne poursuive pas son hémorragie. Pourtant, en France, on redoute pour 2010 l'arrivée de quelque 200 000 demandeurs d'emploi de plus car la vague des réductions d'effectifs dans les groupes est loin d'être achevée. On évoque même un taux de chômage record de l'ordre de 11,5% à la fin de l'année. L'Etat français va devoir mettre les bouchées doubles en matière de politique de l'emploi. Pari difficile à l'heure où les mesures de soutien à la consommation tendent aussi à s'effacer. Pour les observateurs, si sortie de crise il y a, elle ne s'effectuera pas avant le deuxième semestre ou même en fin d'année. Les résultats du premier trimestre seront le seul indicateur dont dépendra la suite. L'emploi continuera à se dégrader sous l'effet des plans sociaux annoncés fin 2009. Dans l'industrie, les cycles décalés auront d'inévitables effets sur les sous-traitants. Dans le bâtiment, la surenchère sur les prix avec un dumping accéléré fragilisera encore les trésoreries des entreprises. Du côté du pouvoir d'achat, les analystes qui estiment que, pour 2010, les augmentations de salaires resteront très faibles, envisagent donc une contraction du pouvoir d'achat de 0,5% cette année. En Espagne, autre partenaire économique de l'Algérie, la situation n'est pas meilleure. En effet, le 9 décembre dernier, l'agence de notation Standard & Poor's a abaissé la perspective de l'économie espagnole à «négative» contre «stable», en raison de ses déficits publics. Le lendemain, le chef du gouvernement espagnol José Luis Zapatero a présenté le rapport économique 2009. «Notre pays, malgré l'important effort fiscal réalisé, présentera en 2010 un taux de dette sur le PIB presque de 20 points inférieur à la moyenne européenne», a-t-il déclaré, ajoutant que la reprise de la croissance était «imminente». L'Espagne est en récession depuis fin 2008 et ses finances publiques se dégradent. Pour 2009, le gouvernement a prévu un déficit représentant 9,5% du PIB. La prévision pour 2010 est de 8,1%. La dette publique espagnole, inférieure à celle de ses voisins grâce aux excédents budgétaires dégagés pendant les années de forte croissance, est estimée à 62,5% du PIB en 2010. En Allemagne, le gouvernement qui a adopté son projet de budget pour 2010, a jugé qu'il n'y a «pas d'alternative raisonnable» à un creusement du déficit pour soutenir la croissance en période de crise économique. Il prévoit de recourir à l'endettement à hauteur de près de 86 milliards d'euros, un chiffre record. Cet argent servira notamment à financer un programme d'urgence «d'accélération de la conjoncture». Une fois la conjoncture stabilisée, Berlin entend toutefois revenir «sur le chemin de la stabilité financière». A partir de 2011, l'inscription d'un frein à la dette dans la Constitution imposera de toute façon aux autorités allemandes de s'attaquer au déficit structurel. Ce dernier devrait atteindre en 2010 quelque 70 milliards d'euros. Aux Etats-Unis et selon Simon Johnson, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international, «tout est en place pour une nouvelle catastrophe économique mondiale. Aux Etats-Unis, nous avons désormais un système financier qui repose entièrement sur la croyance que l'Etat lui sauvera indéfiniment la mise, comme il l'a fait en septembre 2008 et dans les mois qui ont suivi», a-t-il déclaré. Poursuivant son analyse, il dira : «Toutes les grosses banques qui sont encore là pensent qu'elles sont à l'abri d'une future faillite parce que c'est ce qui s'est passé l'année dernière, et c'est ce qui leur a été vendu». «Une idée reçue veut que deux crises financières majeures ne peuvent pas se suivre de près, mais je pense que nous allons avoir la preuve du contraire», a-t-il prédit. Les Etats-Unis où la crise financière globale avait débuté, est un des pays qui ont ressenti profondément les impacts de la crise malgré le fait qu'il soit le pays le plus riche du monde. Le chômage a atteint le plus haut niveau des 25 dernières années, la pauvreté a augmenté, les habitants ont perdu leur domicile du fait qu'ils n'ont pu rembourser leur prêt immobilier et le nombre de personnes bénéficiant des coupons alimentaires s'est accru au point qu'un Américain sur dix est enregistré au programme de coupons alimentaires. La deuxième vague de la crise financière mondiale a secoué la Bourse de Dubai qui a été affectée, vers la fin de l'année écoulée, par des difficultés financières soudaines. L'émirat de Dubai a alors demandé un moratoire à ses créanciers. Duba World, la holding publique, et le géant de l'immobilier Nakheel sont aujourd'hui dans l'incapacité de rembourser les 59 milliards de dollars qu'ils ont empruntés. Dubai affiche une dette totale de 80 milliards de dollars, dont environ 70 milliards supportés par les entreprises publiques de l'émirat.De cette crise financière, c'est la Chine qui sort grande gagnante. Elle a bénéficié d'une soudaine accélération de son processus de rattrapage, en comblant sa baisse de production en six mois, alors que les économies industrialisées ne devraient pas retrouver leur niveau d'activité de 2008 avant 2014 ou 2015 ! A long terme, l'Asie émergente présente donc les perspectives d'investissement les plus profitables. Quelle politique doit alors adopter l'Algérie pour, d'une part, se préserver de la crise financière mondiale et respecter notamment ses accords économiques et, d'autre part, assurer sa croissance ? L'Algérie a choisi de poursuivre sa politique de relance économique en maintenant la réalisation de gros projets inscrits dans le programme quinquennal et en prévoyant une augmentation de 7% pour les dépenses d'équipement et d'investissement. Cela indique que le marché algérien sera très prisé vu les liquidités qui vont y être injectées. Mais côté IDE (investissements directs étrangers), les projets qui devaient être lancés ont été annulés pour certains et reporté à une date ultérieure pour d'autres. Une situation prévisible si on précise que la dette publique mondiale dépasse à ce jour plus de 35 000 milliards de dollars et qu'elle atteindrait, selon les économistes du FMI, 114% du PIB pour les dix pays les plus riches du monde d'ici à 2014. Les investisseurs étrangers vont sûrement tenter à l'avenir de compter sur les liquidités des banques algériennes et les avantages fiscaux offerts par le pays. Avec 150 milliards de dollars comme budget pour le programme quinquennal, les entreprises étrangères vont sûrement se bousculer au portillon. Cependant, l'Algérie, en raison de la timidité des IDE avant même la crise financière mondiale, doit compter sur ses propres moyens et faire preuve d'imagination et d'inventivité. H. Y.