Résumé : Yasmina est emballée à l'idée de se marier avec Mouhoub. Mais elle hésite à donner suite à cette proposition, car elle ne connaît encore rien de cet homme. Pour cela, une discussion s'impose avec sa voisine Malika… 53eme partie Dès le lendemain matin, Yasmina se rend chez sa voisine qui, sans trop tourner autour du pot, lui réitère les intentions de son neveu envers elle. Elle confirmera d'ailleurs à Yasmina que Mouhoub est tombé amoureux d'elle dès la première minute. Et que leur rencontre fortuite au niveau du portail de la maison l'avait décidé à passer à l'action. Mouhoub veut une femme instruite qui pourra l'épauler dans ses projets et l'aider dans ses initiatives. C'est un jeune ambitieux qui gagne bien sa vie et qui ne compte pas s'arrêter là. Yasmina respire d'aise. Malika ne peut pas lui mentir. Elle l'avait toujours considéré comme sa propre fille. Mais ne pouvant donner une réponse dans l'immédiat, Yasmina décide d'écrire à son jeune prétendant et de lui poser ses conditions. Malika est subjuguée par l'intelligence de la jeune fille et ne peut qu'acquiescer. C'est ainsi que Yasmina adresse une longue missive à Mouhoub, où elle lui révèle qu'elle ne refuserait pas de le suivre sous d'autres cieux à condition qu'il lui promette de respecter ses opinions. Elle lui confie son admiration pour lui et son bonheur de partager sa vie s'il consent à la laisser vivre comme elle l'entendait. C'est-à-dire à s'instruire, à sortir, et à s'habiller à l'Européenne. La réponse ne tarde pas à lui parvenir. Mouhoub est non seulement admiratif devant le geste – jugé audacieux par beaucoup à l'époque – mais par la franchise de cette jeune fille qui a tenu à lui révéler une facette de sa personnalité. Il accepte toutes ses conditions et pour couronner le tout, il charge sans plus tarder son cousin Zouhir de demander officiellement la main de Yasmina. Avant son retour à Marseille, Mouhoub avait déjà tout conclu. On avait récité la Fatiha et l'acte de mariage a été établi. Reste maintenant à la mariée de rejoindre son mari. Pour cela, c'est Zouhir qui sera chargé de la conduire et de l'accompagner. Tout comme Fadhéla sa sœur, Yasmina va devoir prendre le bateau pour la traversée et Mouhoub l'attendra sur le quai de Marseille. Un conte de fée en somme pour cette jeune fille qui n'avait jamais rêvé d'une telle aubaine dans sa vie. LE VOYAGE Le jour du départ arrive trop vite au goût de Razika qui, en larmes, serre sa fille dans ses bras après mille et une recommandations. Mohamed, qui n'aimait pas trop montrer ses états d'âme, s'était contenté de l'embrasser sur les deux joues, tout en enroulant sa moustache entre ses doigts. Mais son regard larmoyant n'échappa pas à Yasmina qui tout de même pleura un peu, mais se reprit vite à la perspective de rejoindre son amoureux et d'habiter sous d'autres cieux. Fadhéla portait une longue robe et un voile, mais Yasmina, une fois sur le bateau, avait préféré troquer ses habit contre une jupe longue et une veste, des gants et un chapeau à larges bords sous lequel elle avait relevé ses cheveux. Fadhéla est horrifiée. - Tu vas sortir comme ça ? Dans cette tenue ? - Je ne suis pas différente des autres femmes sur ce bateau, s'écrie Yasmina. - On va te prendre pour une Européenne ? - Et alors ? Où est le mal ? - Oh ! Il n'y a pas de mal, seulement, comme nous sommes habituées à nous habiller en robe longue et voile… - Oui, toi tu t'habitues, mais moi, non. Je suis pour la libération des mœurs, ma chère. Nos femmes devraient plutôt sortir de leurs ghettos. Elles devraient s'instruire et s'ouvrir les idées. - Mais les femmes instruites on les prend pour… Elle s'interrompit et rougit. Mais Yasmina la fustige : - Dis-le donc, n'aies pas peur des mots. Dis qu'elles sont prises pour des femmes légères. Mais que tout le monde les admire en réalité et fait appel à leurs services. Fadhéla hoche la tête. - C'est une réalité. Toutes les femmes aimeraient apprendre à lire et à écrire. Mais notre société ne tolère pas déjà la chose pour les hommes, alors que nous les femmes… - Hum… Tu as les idées qu'on t'a inculquées Fadhéla, ce n'est pas grave. - Non, mais je t'assure que la plupart des gens du quartier t'admirent Yasmina. - Je ne leur fais pas peur alors ? - Non, mais, vois-tu, tu leur inspire trop de respect qu'ils finissent par te craindre. Y. H. (À suivre)