Résumé : Malika rend visite à Razika et lui apprend que son neveu a l'intention de demander la main de sa fille Yasmina. Cette dernière devrait le suivre pour vivre avec lui sous d'autres cieux. Razika est bouleversée… 50eme partie Razika se met à trembler. Elle aimerait bien voir sa fille mariée et heureuse. Mais, à la pensée qu'elle allait devoir se séparer d'elle de sitôt et qu'elle devrait habiter sous d'autres cieux, elle en est bouleversée. Elle garde un moment de silence puis lance à Malika : - Ton neveu Mouhoub est sûrement un homme instruit. - Oui… Et même bien plus instruit que la plupart des jeunes de sa génération. - Alors, pourquoi ne cherche-t-il pas ailleurs pour se marier ? Il doit bien y avoir des femmes en France non ! Malika se met à rire. - Certes. Mais s'il voulait une Française, il ne serait pas encore célibataire. Prends-en l'exemple de mon fils Zouhir. Mais Mouhoub veut une femme de son bled. Une femme qui pourra lui rappeler son pays, sa famille, ses origines, et tant mieux d'ailleurs, car une Française l'éloignerait plutôt de tous. - Mais pourquoi précisément ma fille Yasmina ? Malika regarde sa voisine d'un air étonné : - Tu ne veux pas la marier ? Razika secoue sa tête. - Non. Ce n'est pas ça. Dieu seul sait si je ne veux pas la voir chez elle heureuse et comblée. Mais je n'aurais jamais pensé qu'un émigré allait demander sa main. - Et alors, où est le mal dans tout ça ? - Eh bien, j'avoue que j'aurais aimé la garder plus près de moi. Yasmina a déjà reçu plus d'une demande en mariage. À chaque fois que quelqu'un se présentait, elle arguait du fait qu'il n'était pas instruit, et qu'elle ne voulait pas vivre comme nous autres. Elle a des idées bien bizarres, et je pense que la cause en est cette école de malheur qu'elle fréquente et ces livres qu'elle s'entête à lire des heures durant. Malika se met à rire franchement. - Ah Razika ! Si tu pouvais savoir à qu'elle point je l'envie. J'aurais dû encourager ma fille Fadhéla à fréquenter l'école et à s'initier à la lecture et à l'écriture. Hélas ! Du vivant de son père, ce n'était pas possible, et après la mort de ce dernier, j'avais peur du “qu'en-dira-t-on”. Je reconnais aujourd'hui que mes idées étaient totalement fausses. Fadhéla va partir en France et elle ne sait même pas parler un mot de français. Par contre, Yasmina est bien plus mûre. L'instruction la rend plus accessible à toutes les situations. Elle fera non seulement une bonne épouse, mais aussi une bonne mère et saura faire face, sans trop de mal, aux aléas de la vie. Bien sûr, tu aimerais la voir mariée à quelqu'un qui n'habitera pas loin du quartier, comme ça, tu pourras lui rende visite et la voir quand bon te semblera. Détrompe-toi donc Razika, Yasmina n'est pas née pour vivre comme nous. Razika repense un moment au serment de son mari. Elle entendait encore la phrase qu'il avait débitée dans sa colère : “Je la marierai au prochain homme qui viendra demander sa main.” Et cet homme est là. Il veut épouser Yasmina et l'emmener vivre loin de sa famille. Razika sentit les larmes lui picoter ses yeux. Il est vrai que sa fille est têtue, et parfois devient même insolente et insupportable. Mais elle n'avait plus qu'elle maintenant dans cette grande maison. Les autres sont mariés et chacun a sa propre famille. Yasmina, c'est sa benjamine, sa chouchoute. Elle aurait aimé la garder un peu plus. Et l'idée de se séparer d'elle la torture. Elle se reprend tout de même pour répondre à Malika : - Tu veux bien me laisser en discuter d'abord avec Yasmina. - Mais bien sûr. C'est pour cela d'ailleurs que j'ai voulu t'en parler en premier. Je ne veux pas que Mohamed le sache, avant que Yasmina n'en donne sa réponse. Razika hoche la tête. - Parfait. Je vais lui en parler dès ce soir. Mais si elle n'est pas d'accord, je ne vais pas la bousculer. Et surtout que son père n'en sache rien. - Ne t'inquiète pas sur ce point. Mouhoub peut comprendre très bien nos mœurs, et il est trop sage pour bousculer qui que ce soit dans une affaire aussi sérieuse que le mariage. Y. H. (À suivre)