En plus de la fiscalité et des cotisations toujours en hausse, des dettes et des risques qu'ils encourent au quotidien, des centaines de bijoutiers et d'artisans se plaignent de l'absence soudaine de la matière première : l'argent. Une situation qui pourrait compromettre, du coup, la célèbre fête du bijou. Près de 1 000 bijoutiers risquent de baisser rideau dans les quatre coins de la Kabylie si les pouvoirs publics, à commencer par les autorités concernées par les métiers d'artisans et le fournisseur principal, en l'occurrence l'Agenor, ne trouvent pas de solutions appropriées et urgentes à cette situation qui s'aggrave de jour en jour. En effet, la matière première de base, à savoir l'argent, se raréfie de plus en plus sur le marché et son coût devient davantage inaccessible. De 47 000 DA le kilo, l'argent passe à 54 000 DA le kilo, alors que l'activité d'artisan suggère plus de souplesse dans certaines régions où ces métiers traditionnels nourrissent des milliers de familles. Plus grave, les cotisations qui étaient, dans un passé récent, à 11 800 DA passent soudainement à 27 400 DA, soit une hausse de 150%, mettant ainsi les petits métiers en danger, d'une part, et menaçant des milliers de postes d'emploi directs et indirects, d'autre part. C'est que, dans la même région, on assiste à une chute substantielle dans la délivrance de cartes d'artisans. Et ce sont plusieurs facteurs qui interfèrent, à commencer par celui inhérent à l'octroi des poinçons assujettis au contrat de location, à l'acte de propriété et au registre du commerce. Et le comble de la contradiction réside dans le fait que l'Etat encourage ces métiers, notamment les professions à domicile, au moment où d'autres pouvoirs exécutifs interagissent pour saborder toute initiative locale. Crise passagère ou mainmise sur l'argent par les spéculateurs au marché parallèle où la matière première est disponible, on nous confie que pas moins de 3 000 artisans, dont des bijoutiers, ont déjà changé de métiers en Kabylie, accusant, du coup, plus 4 500 emplois directs perdus. Pour la seule région de Béni-Yenni, plus de 400 artisans bijoutiers ont mis la clé sous le paillasson à cause notamment des coûts liés à la fiscalité, les dettes et la matière première, mais aussi de l'inexistence quasi-totale des aides à ces familles qui perpétuent la tradition. Dans cette région, mondialement connue pour ses métiers d'artisans, seulement 60 créateurs continuent d'exercer leur activité, malgré les récentes contraintes qui viennent se greffer aux difficultés du métier. Assistons-nous alors à la mort subite du reste des forgerons qui ont fait les beaux jours de la Kabylie et de l'Algérie à travers les manifestations mondiales ? Acheminons-nous vers une sérieuse menace qui pourrait influer négativement sur la fête du bijou et dont la date butoir s'approche ? Avons-nous pensé à préparer une relève alors que la “vieille école” est sérieusement inquiétée dans son approche à développer ces ancestrales traditions et coutumes qui font la noblesse de ces métiers ? Ces questions et bien d'autres, les artisans bijoutiers se les posent au quotidien et ne cessent d'interpeller les autorités concernées à leur venir en aide. Au point de porter leur plainte au niveau des parlementaires de la région. À ce propos, un écrit officiel vient d'être adressé au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, par deux députés du RND de Tizi Ouzou, en l'occurrence M. Mokadem et Me Belgacem, afin de trouver des solutions urgentes et sauver ces milliers d'emplois. “De nombreux bijoutiers de Beni-Yenni, à Tizi Ouzou, se plaignent d'un manque considérable en matière première pour faire fonctionner leurs ateliers”, lit-on dans la missive. Sollicitant son intervention pour “intercéder en leur faveur auprès des organismes concernés pour leurs dotations de ce produit indispensable à leurs fonctionnement”, les deux parlementaires tirent la sonnette d'alarme car, disent-ils, “les bijoutiers n'arrivent plus à travailler par manque de matière première et en considération du chômage qui sévit dans cette région”.