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“L'usage clinique et l'usage cynique de la rokia”
M. KHALED Karim, sociologue, à Liberté
Publié dans Liberté le 03 - 06 - 2010

Liberté : La rokia et la hidjama sont des pratiques qui continuent de s'exercer à travers toute l'Algérie. Médecins et associations les condamnent et les assimilent carrément au charlatanisme. Quel est votre point de vue sur cette question ?
Khaled Karim : Il est à souligner que la rokia est une pratique sociale qui existe depuis des siècles, dans toutes les sociétés musulmanes, dont l'Algérie. C'est une pratique qui renvoie à l'anthropologie religieuse de la société algérienne. C'est une réalité entretenue et garantie, d'une manière informelle et formelle par différentes structures sociales depuis des années, comme source thérapeutique des exclus de l'intérieur, pendant les différentes périodes coloniales. C'est-à-dire comme source clinique d'une société qui est dépourvue d'un droit légitime à la médecine moderne, mais surtout l'impossibilité de la société, après l'indépendance, d'acquérir une autonomie de la conscience de son existence, à travers le développement et la vulgarisation des sciences de la pensée, notamment les sciences sociales. Cette dernière option a été ratée par l'Algérie post-indépendante, pour de multiples raisons très complexes.
La domestication de ces sciences de la pensée, par une absence de projet de société, a été entre autres la cause profonde de l'émergence et de la réapparition de ces pratiques qui trouvent les sources de ses prédispositions dans l'imaginaire social, qui, à son tour, reste le soubassement invisible de la société en pleine crise d'identité et une anomie qui frappent de plein fouet les valeurs qui construisent le lien social, au point que tout “le monde se méfie de tout le monde”, avec un sentiment, au sens psychologique du terme, d'insécurité généralisé. Ce sentiment s'approfondit, avec le processus des mutations profondes de la société algérienne des années 1990. Du coup, le recours de ces exclus de l'intérieur à des pratiques, entre autres, à la rokia, est révélateur d'une situation post-traumatisme de cette conjoncture de violence, de crise identitaire et socioéconomique… bref, de la fin d'une époque, marquée par un état de providence.
Elle (rokia) constitue une forme de régulation sociale de ces exclus de l'intérieur dans un monde qui a beaucoup changé pour eux, incapables de donner sens à leur vie et à leur existence. Le dilemme reste problématique, vraiment problématique, pour l'Etat et les spécialistes avertis, pour les personnes-rakis, c'est-à-dire ces “guérisseurs”, légitimes et légitimés, à la fois de cette prédisposition de croyances de pratiques religieuses des personnes et le pouvoir de ces rakis, qui sont en réalité des personnes qui ont acquis un savoir pratique de l'ensemble des problèmes que vit la société algérienne. C'est dans ces conditions qu'il faut distinguer entre l'usage clinique et l'usage cynique de la rokia. Si la rokia a été “démocratisée” dans la société algérienne d'antan, avec sa forme saine et sans contrepartie pécuniaire, elle devient ces dernières années une profession, c'est-à-dire comme un travail informel. Du coup, elle se développe pour être une source de rente qui échappe au fisc. Elle est problématique, pour deux raisons fondamentales : premièrement, elle (pratique rokia comme profession) est légitimée davantage par l'émergence des chaînes satellitaires à caractère idéologico-dogmatique, de certains pays du Moyen-Orient. Et deuxièmement, je pense, c'est là le point fort de l'analyse, c'est que la rokia, comme d'autres pratiques “médicales parallèles”, prend entre autres un sens inédit ; celui d'un endoctrinement, voulant instaurer une rupture radicale avec “l'image de marque” qu'a véhiculée la science moderne, née en Occident.
Du coup, vouloir en contrepartie donner comme “alternative”, qui s'inspire exclusivement, du retour à la source (hadith et le Coran), comme une batterie d'arguments dans une démarche d'el idjaze el ilmi, y compris dans le domaine des sciences de la pensée (psychologie, sociologie, psychanalyse, anthropologie) et comme une volonté de la “confirmation défensive” de “l'identité musulmane”, par rapport à une hégémonie occidentale, qui, dans l'imaginaire de ces exclus de l'intérieur, a toujours su “imposer ses valeurs et ses sciences à tous”. Les choses ne sont pas aussi simples, qu'un simple acte de rokia, mais elles sont très complexes avec la complexité des nouvelles donnes ; le développement des TIC (paraboles, réseaux internet), l'hégémonie occidentale et les échecs des Etats-nations nouvellement indépendants dans leur politique développementiste.
Vous ne pensez pas que cela est dû beaucoup plus aux moyens financiers. C'est-à-dire que les gens ne peuvent plus se permettre des soins médicaux adéquats ?
Oui, c'est évident pour les deux parties de la rokia ; le raki et le patient. On ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier. D'où l'importance de la distinction entre l'usage clinique et l'usage cynique de la rokia. Pour ce qui est de la problématique de la corrélation entre le revenu et la pratique de la rokia, je dirai, il y a une part de vérité là-dessus, puisque comme je l'ai déjà explicité, par rapport à la problématique de l'échec de la politique développementiste, notamment en termes de la réalisation des slogans, “l'éducation et la santé pour tous”, ont montré leurs limites et leurs effets pervers sur les représentations de ces exclus de l'intérieur, livrés à eux-mêmes dans leurs démarches médicales. Cette panne de passage à la modernité médicale, comme processus contingent et relatif, a mis certaines catégories de personnes défavorisées, dans des situations de stratégies de contournement, en recourant à des pratiques de médecine parallèle et informelle (rokia et hidjama). Cette situation ne doit pas cacher une autre face du phénomène, puisque d'autres catégories sociales plus aisées, des cadres supérieurs et certaines élites politiques sont socialisés autour de ces croyances. Donc, le phénomène est culturel, à multiples déterminants anthropologiques, qui deviennent de plus en plus un enjeu politique puisqu'il est objet de débats interposés dans la sphère publique via les médias.


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