“C'est l'entrelacs d'ocres nuancées animant le verbe ; c'est les signes aux couleurs d'argile, de henné et de miel ; c'est le rythme symétrique du “kholkhal” consonant ; c'est les joutes de berrah à l'ombre des youyous ambrés ; rappel atavique, consciences des deux bords qui se hèlent…” C'est avec ces vers que le plasticien résument son exposition qui se déroule, depuis jeudi dernier, au niveau E de l'hôtel El Aurassi. “Er-rogam” en est le titre de cette belle palette de couleurs. Avant d'être un titre, c'est un style. Lequel style a été adopté, [re]créé par l'artiste Mohammed Oudhaï. C'est son empreinte à lui. “Er-rogam vient du mot rogam, ezrguim, rogama, qui signifie le décor des tapis. C'est la tapissière, la tisseuse qu'on appelle rogama. Ce mot est basé sur les graphismes et les dessins des tapis. Ce sont des graphismes traditionnels”, expliquera-t-il à propos de la signification du titre de son exposition. Une vingtaine de toiles est exposée au regard avide du visiteur. Natif de la ville de Frenda (Tiaret) Mohammed Oudhaï, qui est aussi le neveu du regretté artiste Benane Larbi, compte plusieurs cordes à son arc. Outres les arts plastiques, il est aussi auteur conteur (plusieurs titres sont en voie d'édition). Il a participé à plusieurs expositions artistiques, effectué des réalisations publiques et obtenu des prix et récompenses. Alliant deux techniques, celle de la gouache et celle de huile sur toile, le plasticien nous invite à redécouvrir un art ancestral que nous avons tendance à occulter : le signe. Dans ses œuvres, c'est la reproduction de cet art avec une certaine pureté. “L'art puisé dans le terreau culturel est empreint de pureté et fraîcheur originelle ; il présente une force attractive dépouillée de tout artifice, force procurant aux sentiments une authenticité plus évidente (…)” Puisant ses couleurs de la terre, qui sont chaudes, gorgées de chaleur, Mohammed Oudhaï tente de représenter, plutôt reproduire, à travers ses tableaux, un pan de notre histoire, de notre richesse culturelle. Tel ce gardien de traditions, il reprend au détail près le “rogam”, le rendant plus accessible. Sa source d'inspiration est, sans conteste, le tapis et toute la beauté qu'il véhicule, sans omettre la symbolique très perceptible. Une vingtaine de toiles, qui, une fois alignées, racontent une histoire. Pas n'importe laquelle. Celle d'un pays (l'Algérie) en général, celle d'une ville en particulier (Frenda). On est face à des tranches de vie : fantasia, musiciennes en train de jouer, cavalier… Un quotidien fait de joie et de bonheur. “Er-rogam”, grâce au choix des couleurs et à la fluidité des traits du pinceau, adoucit l'âme. Très profonde de par ce qu'elle aborde comme thématique, cette exposition est plus qu'une invitation à voyager dans le temps. C'est une découverte.