Assis dans l'atmosphère cosmopolite d'un café de San Francisco, on observe sur le pas de la porte une henna girl installée à une table et qui guette le client. Elle possède deux boîtes de henné en poudre et tous les instruments nécessaires pour faire ses designs, ses tatouages. Cinq minutes ne passent sans qu'elle entame son délicat travail sur le bras d'une cliente au profil de Japonaise. Depuis des siècles, les femmes du Maghreb, d'Orient et d'Extrême-Orient connaissent toutes les nuances du henné et savent qu'une chevelure, une main et un pied, teintés de rouge-brique, exercent une séduction sans pareille. Pas de réjouissances, pas de fêtes et de mariages sans henné. Aujourd'hui, la silhouette des tatoueuses au henné est familière dans les lieux publics du monde entier. A San Francisco, en tout cas, c'est le chic suprême. Dans toute la Californie, les jeunes qui dansaient le rock-and-roll font du rap aujourd'hui et sont fascinés par la couleur de leurs tatouages (au henné). Les moins jeunes aussi, toutes ces femmes américaines, incorrigibles curieuses de tout ce qui est nouveau et exotique, utilisent le henné. Parce que c'est beau et fugitif à la fois. Parce que le henné s'étale, s'admire et disparaît progressivement. Le henné, comme parure éphémère. « The henné is going to catch on », disent les vendeurs américains. Un produit qui accroche et qui remplit le tiroir-caisse. Mais le henné a aussi une histoire très ancienne. Dès le temps des pyramides en Egypte, on connaissait déjà le henné. On dit aussi henné en grec : kypros, qui a donné le nom de l'île de Chypre. Les savants et les sages d'Egypte ont appris des parfumeurs de Chypre à fabriquer une huile spéciale aromatique appelée : hekenoui. Cette huile parfumée servait dans les temples pour les dieux et les morts. Les Grecs anciens partaient aussi à Chypre chercher des plantes aromatiques dont le henné. On peut lire à la Bibliothèque nationale dans les ouvrages de l'historien Strabon, dans les textes de Pline l'Ancien et aussi dans les traités de Théophraste la manière dont les Grecs et les Romains utilisaient la plante. Les fleurs de l'arbuste fournissaient un parfum délicat. Les baies donnaient de l'huile pour les onguents. Et les feuilles séchées étaient réduites en poudre pour la teinture.Une légendaire femme fatale, la belle Hélène, celle pour qui la guerre de Troie (XIVe siècle avant l'ère chrétienne) a été déclarée, utilisait le khôl pour noircir ses yeux et le henné pour teindre ses cheveux. De même que Cléopâtre, au temps d'Alexandrie, se servait du henné comme parfum et sans doute aussi pour teindre sa chevelure.