Khaled Ziari est un ancien officier supérieur de la DGSN (Direction générale de la Sûreté nationale), responsable du service actif, notamment de la sécurité publique, la police judiciaire et la lutte antiterroriste. Il est l'auteur de plusieurs réflexions et interviews, parues dans la presse nationale, se rapportant à la situation sécuritaire en général. Il termine un livre, qui paraîtra prochainement, intitulé Les années noires de la police algérienne et la controverse sécuritaire. Nous l'avons approché pour avoir son avis sur l'autosaisine du parquet, pour diffamation, contre notre journal et plus précisément sur le comportement de la police judiciaire lors de l'audition des quatre journalistes de Liberté. Liberté : Le parquet s'est autosaisi contre le journal Liberté pour diffamation. Pourquoi le procureur a-t-il fait intervenir la police judiciaire, alors qu'il n'y a pas d'enquête à mener du fait que toutes les pièces sont réunies ? Khaled Ziari : En effet, je ne comprends pas ce comportement du procureur. La légalité de la procédure est entachée. Je m'explique : le délit de presse sort de la catégorie des délits de droit commun. La procédure devrait avoir son cachet particulier dans la mesure où nous avons entre les mains, comme dans ce cas, l'article, les auteurs et les responsables de l'organe. S'il y a des explications et éclaircissements à donner, c'est au juge en audience. La procédure de police ne se justifie nullement. Il y a ce qu'on appelle la citation d'une part et d'autre, compte tenu de la particularité de l'objet. Il faudrait avoir des compétences particulières pour pouvoir apprécier la teneur de ces écrits. Ce n'est pas à une audition de police de déterminer s'il y a eu infraction précise. Pourquoi la police a accepté de faire ce travail qui n'est pas de ses prérogatives ? Ecoutez, je suis sûr qu'il y a eu pression. Le responsable au niveau de la judiciaire sait que ce n'est pas son travail et aurait dû avoir le courage d'attirer l'attention du procureur. Les responsables et journalistes de Liberté ont été retenus presque toute la journée au niveau des locaux de la police et des questions se rapportant à leur vie professionnelle et privée leur ont été posées. En dépit du fait que leur convocation n'a pas lieu d'être, cela est-il normal qu'ils soient retenus tout ce temps-là ? Comme je l'ai souligné, je tiens à préciser que ce n'est pas le travail de la police. Le rôle de la police judiciaire, dans le cadre de l'exécution des instructions du parquet, devrait se limiter à vérifier l'identité du mis en cause, sa filiation, sa fonction, son adresse et sa situation sociale. L'audition devrait porter sur l'objet de l'instruction. Tout autre interrogation sur un sujet qui déborde de la question essentielle, à savoir l'article incriminé, relève de l'abus de pouvoir caractérisé. Cette audition aurait pu être évacuée en une heure maximum. Le temps qu'elle a pris réellement est une humiliation, notamment pour des journalistes. Aujourd'hui, dans les services de police modernes et perfectionnés, quand on veut avoir une information sur la vie d'une personne, sur son cursus, la section des services spécialisés dans les renseignements s'en charge sans pour autant que l'intéressé le sache. Le reste relève du harcèlement. Il est admis de poser des questions sur la vie privée ou le parcours professionnelle ou universitaire dans le cadre des enquêtes d'habilitation à un emploi ou une promotion à une fonction publique. Cela ce fait par un service spécialisé qui relève de la police générale et le tout se fait dans l'intérêt du postulant au poste. Qu'y a-t-il lieu de faire contre toutes ces irrégularités ? Je voudrais souligner que les convoqués pouvaient refuser de répondre aux questions, sauf à celles se rapportant à l'affiliation, surtout dans cette affaire, comme je l'ai déjà souligné plus haut. Une plainte pourrait être déposée auprès de la chambre d'accusation contre la police pour abus et une autre auprès du procureur général et du ministère de la Justice contre le procureur de la République. Je voudrais conclure que, dans un Etat de non-droit, on rencontre ce genre de conflit et de dépassement parce que la justice n'est pas indépendante et reste soumise au pouvoir exécutif. J'ajouterais aussi que s'il y a dépassement au niveau de la police, c'est parce que, à sa tête, il n'y a pas un policier de carrière alors que des compétences dans ce corps existent. M. B.