Un appel a été lancé hier au Forum d'El Moudjahid par l'avocate du barreau d'Alger en vue d'ouvrir ce lourd dossier et de trouver les solutions idoines qui permettraient à ces enfants de rentrer au pays avec un passeport vert et non français. Comme à la veille de chaque grande date dont regorge l'histoire de l'Algérie, le lourd héritage de la colonisation française est remis au-devant de l'actualité par la famille révolutionnaire, les historiens et les spécialistes en droit. La célébration de la fête de l'Indépendance est marquée cette année par l'ouverture d'un nouveau chapitre dans l'histoire. Il s'agit du dossier des Algériens déportés en 1872 par l'armée coloniale en Nouvelle-Calédonie. C'est Me Benbraham qui a évoqué la question hier, lors du Forum d'El Moudjahid consacré aux crimes coloniaux de 1830 à 1954. L'avocate lancera un appel au président de la République pour rendre justice aux enfants de ces Algériens déportés en Nouvelle-Calédonie. “Ces enfants sont toujours en Nouvelle-Calédonie et n'ont pas le droit à la nationalité algérienne parce que le colonialisme français les en a privés en imposant aux parents, à l'époque, de leur donner un prénom arabe et un autre français”, souligne Me Benbraham. Aujourd'hui, ils sont Français, de nationalité algérienne d'origine et vivant dans un pays qui n'est pas le leur. “Ces gens ne sont toujours pas avec nous. Ils sont toujours loin et n'ont le droit de rentrer au pays pour lequel leurs parents se sont sacrifiés qu'en exhibant un passeport français. C'est une honte”. Et c'est pour cette raison que l'avocate se tourne vers le premier magistrat du pays pour se pencher sur leur cas et trouver la solution idoine. “Je profite du forum du centre de presse El Moudjahid, un lieu mythique, et de la fête du 5 Juillet pour lancer un appel au président de la République. Je vous demande de réintégrer ces enfants calédoniens. Aidez-les à revenir en Algérie avec un passeport vert et non français. Ce sera la plus belle chose que vous leur ferez”. Et d'ajouter : “Je lance cet appel parce que mon cœur se déchire pour eux. Je ne demande rien et je n'ai rien à gagner. Le Président sait que je ne fais pas de la politique”. Revenant sur l'histoire de ces déportés, l'invitée du forum dira que pas moins de 212 Algériens ont été déportés par le colonialiste en 1873 pour casser ce que l'on a appelé la révolution des cheikhs dont El-Mokrani. Ceci après leur jugement par le tribunal de Constantine suite à l'insurrection générale des cheikhs. Les plaidoiries des avocats et les remarques des juges du procès des grands chefs de Constantine qui a duré 56 jours renseignent sur diverses failles juridiques et véritables intentions du colonialiste, note la conférencière. “C'est pour cette raison que la France refuse de nous donner les archives judiciaires”. Il faut savoir, à ce propos, que les trois avocats qui se sont déplacés de la métropole pour défendre les Algériens ont battu en brèche tous les arguments avancés par leurs confrères qui ont tout fait pour incriminer leurs clients. Me Benbraham rappellera, en outre, les dispositions du “code de l'indigénat” appliqué aux Algériens qui pourtant étaient considérés comme “des sujets français musulmans” qui n'étaient pas soumis au code pénal français mais à un code bien spécifique. Les historiens et hommes de droit ont saisi l'occasion pour exiger de l'Etat français des excuses pour les crimes commis pendant la colonisation. “Nous ne cesserons jamais de demander à la France de reconnaître ses crimes de s'en excuser et d'accorder des indemnisations aux victimes”, lance le docteur Laïb Allaoua. Abondant dans le même sens, Mohamed Chikhane, spécialiste en droit, insistera sur le fait que souvent en parlant des crimes impunis de la France, nous les qualifions de crimes contre l'humanité. Or la France n'a pas commis ce type de crimes seulement, “il faut parler aussi des crimes économiques et des crimes contre l'identité algérienne”.