Approché par Liberté, en vue d'obtenir une réponse à la question : Que peut-on penser des résultats des divers programmes de relance initiés jusqu'ici par le gouvernement, en termes de résultats sur la croissance réelle de l'économie algérienne, le Dr N. Bouyahiaoui, expert en business management international, le moins que l'on puisse dire, s'est montré dubitatif. Selon lui, “il y a eu 3 plans entre 2001 et 2004 (environ 17 Mds $ ) avec le PSRE, dédiés selon les déclarations du gouvernement aux infrastructures, à l'emploi et à l'amélioration du cadre de vie des citoyens. Il n'ont pu être finalisés à temps. Entre 2005 et 2009, il y a eu le PCSRE, avec 135 ou 150 Mds $ de mise dont une partie reste à réaliser à ce jour (1 million de logements, autoroute, rail, infrastructures, etc.). Ces projets fort ambitieux n'ont pu être menés à bien faute de ressources humaines (en termes de capacités et de compétences), et d'équipements. Ces projets ambitieux ont été lancés sans études sérieuses des moyens humains et matériels à mettre en œuvre et en synergie, sans diagnostic préalable, autant de conditions sine qua non pour lancer un programme d'envergure si l'on veut vraiment le mener à bien. C'est là un problème grave de déficit en gouvernance des grands projets qui exigent des compétences particulières et une bonne coordination intersectorielle. Cette carence a provoqué des surcoûts et des retards inqualifiables. Quant au 3e programme (programme public de développement économique et social) évalué à 286 Mds $, soit 21 214 Mds DA, dont près de la moitié est destinée à couvrir les restes à réaliser, il y aurait aussi beaucoup à en dire. Nous remarquons que l'enveloppe destinée au parachèvement des grands projets déjà entamés (rail, autoroute, AEP, etc.) équivaut à 136 Mds $, alors que 150 Mds $ sont dédiés aux nouveaux projets programmés. Il faut, encore une fois, rappeler que dépenser n'est pas investir, car l'investissement dans les infrastructures ne crée pas de richesses, alors que le pays reste vulnérable vis-à-vis des aléas de l'économie mondiale. Il faut rappeler que l'Algérie est en train d'utiliser des ressources rares et non renouvelables pour engager des dépenses colossales dédiées à des projets dont l'utilité économique n'est pas évidente. Ces infrastructures devront être entretenues, ce qui implique d'autres dépenses à engager dans un avenir relativement proche. De même qu'il faut rappeler que l'Algérie n'a pas, jusqu'ici sérieusement tenté de diversifier les sources de financement, afin de réduire la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures, ou du moins leur exploitation non efficiente. On n'est pas encore arrivé à couvrir au moins en partie nos besoins alimentaires, et on continue d'importer tout et n'importe quoi : semences, viandes, céréales, sucre, huiles, café, thé, poudre de lait, épices, etc., malgré les dépenses du PNDA/R qui ont englouti 1 000 Mds DA, en attendant le nouveau programme du Renouveau agricole et rural sur lequel reposent de grands espoirs. En attendant, la facture alimentaire a grimpé en quelques années de 2,5 à 8 Mds $ ! Autre remarque, le plan quinquennal 2010-2014 compte octroyer 40% de l'enveloppe budgétaire au développement de la ressource humaine. La question qui se pose est simple : quelles ressources humaines compte-t-on promouvoir et dans quels secteurs ? Officiellement on vise la promotion de l'éducation nationale, la formation professionnelle, l'université, les instituts et grandes écoles. Mais un paradoxe de taille se dresse lorsqu'on examine la question de plus près : si on oriente le programme 2010-2014 vers la réalisation d'infrastructures, où seraient employés les futurs diplômés, s'ils n'iront pas augmenter les rangs des chômeurs ou la diaspora déjà importante composée de cerveaux ayant fui le pays depuis quelques années. L'autoroute Est-Ouest, une fois achevée, pourrait au mieux, tous postes confondus, employer quelques centaines d'individus. L'Algérie risque de dépenser de l'argent sans en bénéficier puisque ces RH iront chercher du travail dans des pays qui n'auraient rien dépensé pour leur formation. Pour le programme quinquennal, je pense que nous pourrions obtenir les mêmes objectifs en dépensant de 30 à 50% du budget alloué. Car on commet souvent l'erreur de confondre efficacité et efficience. Or on parle d'efficience lorsqu'on peut atteindre les mêmes objectifs en dépensant moins. On devrait plutôt parler de rationalité au lieu d'efficacité. La Chine, par exemple, est en train d'utiliser des ressources renouvelables pour asseoir son économie, contrairement à notre pays. Autre paradoxe, dans le monde, par précaution contre la crise économique mondiale qui est loin d'être résorbée, en Italie, en Angleterre et dans de nombreux pays capitalistes, le temps est à la rigueur budgétaire, à la réduction des déficits, alors qu'en Algérie on continue à dépenser sans retenue, sans penser aux conséquences. Si on persiste dans cette voie, avec un tel niveau de dépenses, les prochaines générations risqueraient de le payer très cher”.