Résumé : Pour retenir mon père auprès d'elle, Yasmina décide de le marier. Ce dernier consentira en fin de compte à prendre femme, à la seule condition que ce soit l'élue de son cœur. Le mariage est fixé pour les prochains jours… 79eme partie Mon père se maria l'été de la même année. Ma mère le rendit heureux. Douce et très affectueuse, elle gagna vite l'estime de toute la famille. Mon arrière grand-mère, Razika, l'affectionnait particulièrement. Yasmina pouvait enfin respirer. Elle avait moins de charge sur les épaules, et mon père vivait auprès d'elle. Que demander de plus ? Deux mois avant ma naissance, Razika mourut. Elle avait fait de vieux os dans ce monde et le quitta sans crier gare un jour de printemps. Quand j'atterris à mon tour dans ce bas monde, Yasmina en était si heureuse qu'elle m'octroya le prénom de sa mère. Elle, qui avait tant rêvé d'élever une fille, voit enfin son vœu s'exaucer. Elle me prit tout de suite sous son aile et décida de m'élever elle-même. Dans la même année, mon père reçoit son agrégation pour s'enrôler dans la marine. Yasmina avait beau protester, rien n'y fait. Mon père était décidé à braver la mer comme ses deux frères aînés. L'appel de cette dernière était bien plus fort que le reste. Malgré le grand amour qu'il portait à ma mère et son bonheur de m'avoir, il partit au petit matin d'un jour pluvieux rejoindre son équipage. Et ce sera le début d'une longue carrière. Ma grand-mère Yasmina s'occupait de la famille. Elle faisait elle-même les courses, nous accompagnait à l'école et passait son temps à aider ma mère dans l'entretien de la maison, la cuisine et l'éducation des enfants. Mais j'étais la plus proche d'elle et j'évoluais sous son affection dans un univers de rêve. Des années durant, elle me couva de sa chaleur et de sa compréhension. Elle vivra mes joies et mes chagrins. Partagera mon enfance et mon adolescence et, plus tard, me soutiendra dans mes peines sentimentales. J'étais un baume sur son cœur. Dès mes premiers pas, elle m'initia à la lecture et passait de longues heures à mon chevet à me lire des contes de fées et des récits de princes charmants et de princesses belles comme le jour. Quand j'eus mes quatorze ans, elle consentit enfin à mettre fin à sa routine quotidienne pour partir en voyage. Répondant aux incessants appels de mon oncle Mohamed, elle décide de se rendre en Europe. Comme je venais d'obtenir mon Brevet, elle me proposa de l'accompagner, et je ne me le fais pas dire deux fois. Ensemble, nous nous envolâmes à Bruxelles, où mon oncle Mohamed avait jeté l'encre. Mon oncle Farid était décédé quatre années auparavant. Mais, pour ma grand-mère, Farid était mort bien avant. La dernière fois où elle l'avait revu remontait à plus de seize années. Farid s'était installé à Rome avec sa femme et ses deux filles. Au début, il donnait de temps à autre de ses nouvelles. Puis ce sera le long silence. Mon oncle Mohamed, qui était très attaché à lui, le voyait de temps à autre lors de ses escales dans certaines villes. Ces rencontres brèves se raréfièrent au fil du temps. Farid se retire définitivement en Italie à la fin d'une riche carrière dans la navigation maritime. Mon oncle Mohamed, qui ne s'entendait pas très bien avec Maria, lui rendit visite à deux reprises, puis finit par battre en retraite. Farid n'avait plus aucune autorité sur sa famille, et depuis que ses deux filles s'étaient mariées, il comprit qu'il avait raté sa vie. Maria n'était plus cette femme aimante qu'il avait connue. Elle avait renoué avec les siens et sa famille le considérait comme un intrus, faisant fi de sa paternité et de son mariage avec leur fille. Mohamed, lui, avait à maintes reprises suggéré de rentrer au pays où il aurait pu refaire sa vie et vivre auprès de sa famille. Mais Farid ne voulait pas vivre loin de ses filles qu'il aimait par-dessus tout. Ces dernières ne jugèrent même pas opportun d'informer sa famille lors de son décès. Ma grand-mère n'apprendra sa mort que grâce à une relation de mon père. Bien sûr. Elle l'avait amèrement pleuré et même tenté de persuader ses deux filles pour le rapatriement du corps. Mais ces dernières refusèrent, arguant du fait que leur père reposait dans le caveau familial et qu'elles n'avaient nulle l'intention de renouer avec la famille du bled. C'était le point final pour mon oncle Farid que je n'ai connu qu'à travers quelques photos. Le bel homme au sourire jovial et au regard malicieux était l'un des commandants de bord les plus prestigieux de son époque. (À suivre) Y. H.