L'ordonnance révisant et modifiant la loi 90-10 relative à la monnaie et au crédit, adoptée dimanche dernier en Conseil des ministres, continue de susciter interrogations et inquiétudes. C'est le cas des 25 000 travailleurs de l'entreprise Algérie-Poste qui se sentent directement concernés par la suppression de l'article 121 de l'ancienne loi. En effet, cet article de loi autorisait le Trésor public et les services financiers des postes et télécommunications à effectuer des opérations de banque et de crédit. La nouvelle ordonnance ne fait pas référence aux services financiers de la poste. L'article 77 de cette nouvelle mouture autorise le Trésor public uniquement à effectuer des opérations de banque. Le syndicat de l'opérateur historique Algérie-Poste estime que cette annulation aura des répercussions négatives sur l'entreprise et constitue un motif d'inquiétude pour les citoyens algériens. “Si cette mesure est maintenue, le compte courant postal (CCP) va disparaître”, nous avouera le secrétaire à l'organique de la Fédération des travailleurs de la poste qui ajoutera que “les chèques postaux représentent 70% du chiffre d'affaires de l'entreprise”. Les représentants des travailleurs d'Algérie-Poste qualifient cette suppression d'“acte irréfléchi”. “La Poste est la première banque du pays avec sept millions de clients. Elle est implantée à travers tout le territoire national et dispose d'un large réseau internet qu'aucune institution financière ne peut concurrencer”, soutiennent nos interlocuteurs, en s'interrogeant sur les objectifs inavoués d'une telle demande. Ils accusent les pouvoirs publics de vouloir éliminer les chèques postaux pour défricher le terrain aux banques étrangères qui souhaiteraient s'installer en Algérie. Il faut savoir que les banques publiques ne sont plus en mesure de s'adapter aux nouvelles exigences du marché et que les banques privées ont échoué. “Cette situation qui place la poste en pole position a été évacuée par cette ordonnance dont les arrière-pensées politiques ne font aucun doute”, laisse entendre le chef du cabinet du ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication. Ce fonctionnaire nous avouera : “Le projet d'ordonnance n'a jamais transité par notre ministère. Nous avons pris connaissance des dispositions contenues dans cette ordonnance par la presse au même titre que tous les citoyens.” Le staff dirigeant de l'entreprise Algérie-Poste est dans “l'expectative”. Celui-ci, voulant positiver, parle d'une omission qui sera corrigée dans les prochains jours. D'autres cadres estiment que l'autorisation n'a pas été accordée, en raison du nouveau statut de la poste laquelle est passée à celui d'EPIC dans le cadre des réformes du secteur. Nos interlocuteurs affirment que le ministère des Finances ou le Trésor public seront instruits, pour accorder une dérogation à la poste afin d'effectuer des opérations de banque et de crédit. “La suppression des chèques postaux est inimaginable”, nous ont indiqué les cadres dirigeants de cette entreprise. Les syndicalistes ne sont pas du même avis. Pour eux, les pouvoirs publics ont toujours affiché de la mauvaise volonté concernant la poste. Ils citent le cas de la violation de la loi 03-2000 par l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep), avec complicité de l'Etat. “La signature de la convention, portant distribution du courrier des banques par l'Anep, s'est faite en présence du ministre des Finances”, nous ont indiqué les syndicalistes qui ajoutent : “Cette situation, qui dure depuis février 2002, n'a suscité aucune réaction de la part de l'Agence de régulation des postes et télécommunications (ARPT) censée veiller à la stricte application de la loi.” Selon notre source, l'ARPT ne veut pas s'impliquer, prétextant qu'il appartient à la police des postes et télécommunications d'opérer les contrôles et de constater les infractions. Mais, ajoute notre interlocuteur, comme la police des postes et télécommunications n'existe pas encore, conformément à l'article 13 de la loi 03-2000, l'ARPT est habilitée à effectuer tout contrôle. Le partenaire social s'interroge sur la politique du deux poids deux mesures que pratique l'ARPT. Quand il s'agit d'Orascom, l'Autorité de Amar Tou réagit avec promptitude et fait l'impasse sur la police des postes et télécommunications. Dans le cas d'Algérie-Poste, l'ARPT évoque tous les préalables pour ne pas s'engager et exige une procédure que l'opérateur ignore. Ce sont là autant de facteurs qui plaident en faveur du parti pris des pouvoirs publics. “C'est cette situation qui fait craindre le pire”, nous ont indiqué les représentants des travailleurs qui comptent inscrire ce point à l'ordre du jour de la bipartite qui aura lieu les 4 et 5 septembre prochain. Les postiers qui disposent d'une Fédération très importante au sein de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) sont décidés à tout mettre en œuvre pour préserver leurs attributions. L'avenir nous renseignera sur l'appréhension des 25 000 travailleurs d'Algérie-Poste qui voient d'un très mauvais œil la libéralisation sauvage qui est en cours au détriment du volet social. M. A.