La protection de l'investissement en Algérie continue de susciter des interrogations. Le gouvernement a exprimé son attention de réguler l'investissement étranger dans le pays, mais il n'a pas encore pris de dispositions adéquates pour appliquer cette décision. C'est ce que nous a indiqué Ali Harbi, consultant dans le domaine des investissements. Selon lui, il est encore trop tôt pour avoir un avis définitif sur les instructions du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, sur l'association des nationaux aux projets des investissements des étrangers à hauteur de 51%. La genèse de cette difficulté est liée au fait que la loi régissant l'investissement n'est pas encore amendée alors que c'est un passage obligé pour changer les règles du jeu. Pour l'instant, fait-on observer, il ne s'agit encore que d'une instruction destinée aux ministères et aux sociétés des gestions des participations de l'Etat. Selon ce texte, l'investisseur étranger désirant réaliser un projet doit constituer un partenariat pour que l'actionnariat national soit majoritaire. Les actions détenues par le capital national seront réparties entre plusieurs détenteurs de sorte que le partenaire étranger sera le premier des actionnaires en termes de parts détenues dans le capital. Or, il n'y a rien dans le Code des investissements qui impose ce partage du capital. L'ordonnance de 2001 sur l'investissement stipule dans son article 14 que «les personnes physiques et morales étrangères reçoivent un traitement identique à celui des personnes physiques et morales algériennes, eu égard aux droits et obligations en relation avec l'investissement». C'est cet article qui est battu en brèche même si quelques analystes ne sont pas si sûrs en considérant que l'instruction du gouvernement ne contredit pas l'ordonnance arguant du fait que les aspects dont elle traite ne sont pas expressément régis par ce texte. Néanmoins, ce n'est pas seulement ce code qui est concerné par cette instruction de décembre dernier mais c'est également le cas pour l'ordonnance sur la monnaie et le crédit car cette obligation touche même le secteur financier. En l'absence d'une loi, les économistes interrogés n'ont pas voulu s'avancer sur les autres complications induites par l'instruction. Il nous a quand même été signalé qu'il faut déterminer si cette décision aura un effet rétroactif. Or, il n'y a pas de clarification sur ce sujet, contrairement à l'instruction relative aux importateurs. Dans ce cas, les sociétés étrangères d'importations sont soumises depuis mars dernier à une participation de personnes physiques ou morales algériennes à leur capital au moins à hauteur de 30%. Les sociétés déjà en activité sont tenues de se mettre en conformité avec cette disposition. Selon nos sources, l'autre difficulté est liée à l'obligation pour le projet de dégager une balance en devises excédentaires au profit de l'Algérie dès la première année d'exploitation bien que ce délai soit réservé généralement à l'acquisition du matériel et non à la production. Compte tenu du manque de précisions à ce stade au sujet des conditions de mise en oeuvre de ces décisions, leur interprétation diffère d'une source à l'autre. Certains pensent que tant que le régime actuel d'investissement n'est pas modifié par des nouveaux textes de nature équivalente, c'est-à-dire une loi, les textes législatifs et réglementaires existants restent applicables, étant supérieurs à une instruction. D'autres, par contre, soulignent que les administrations concernées et les entreprises publiques, auxquelles il est expressément demandé d'appliquer ces nouvelles mesures, se baseront désormais certainement sur ces instructions. Pourtant, l'Algérie a signé une quarantaine d'accords de protection des investissements interdisant d'introduire des mesures injustifiées ou discriminatoires et s'engage au contraire à réserver aux investissements un traitement juste et équitable. Si ces deux principes sont remis en cause, la règle de réciprocité va être enclenchée par les partenaires, risquant de mettre à mal certains investissements algériens à l'étranger. Les cours d'arbitrage pourraient aussi être saisis et l'Algérie pourrait ne pas avoir gain de cause. Ces réserves sont à prendre avec des précautions car aucune société étrangère ne conteste à l'Algérie sa souveraineté, ce qui lui permet de modifier sa législation. D'ailleurs, d'autres pays ont de tout temps protégé leur économie. La seule différence est que ces derniers en ont mis les formes.