Nous sommes en 1943. De Gaulle multiplie les appels à la radio de Londres pour unir les Français libres. Les Alliés préparent le débarquement de Normandie. Oran qui est mollement pessimiste guette avec angoisse la direction du vent. Méfiant, Churchill bombarde sa base de Mers El-Kebir juste au cas où… 1200 marins seront tués. Deux cuirassés et un croiseur seront coulés et pourtant il avait averti l'amirauté coloniale : “Sabordez-vous ou fuyez vers la Martinique”. Entre-temps le général Eisenhower installe son QG de campagne à Sidi Chami. Des centaines boys transportés par la flotte américaine débarquent au port et investissent bientôt la ville, c'est la grande récré. Quelques-uns viennent du Missouri et n'ont jamais quitté le plancher des vaches, d'autres qui voyageaient pour la première fois de leur vie sont tout heureux de sortir de leur trou à rat de l'Arizona. Ils sont jeunes les gaillards de Roosevelt, un peu gauches et d'une candeur à faire rougir un videur de boîte de nuit. Malgré tout ils sont tout de suite pris en sympathie par une population qui les adopte et les appelle, on ne sait pourquoi, Johnny, un peu comme si elle appelait tous les Espagnols Gomez. Peu importe mais le message est très vite passé grâce au seul langage universel connu : celui des gestes. Chewing-gum, Coca et chocolat inondent le marché jusqu'à faire oublier les cartes de rationnement. Il n'y a pas à dire les affaires reprennent et des adolescents s'improvisent guides touristiques. Des jeunes filles de bonne famille sont draguées sans ménagement jusque sur le pas de leur porte. Les cow-boys de la Navy ne prennent même pas de gants pour respecter le minimum de convenances. ça commence à faire jaser dans les chaumières et certaines familles revoient leur jugement à la baisse. Au nord de Gambetta, des tentatives de viol auraient avorté. Pieds-noirs et musulmans se concertent pour mettre fin à l'escalade. Un homme sorti des rangs, un commerçant du nom de Ali à peine âgé de 29 ans, va donner aux petits Américaines la leçon de leur vie. À chaque fois que l'un d'eux s'aventurait à l'intérieur du périmètre, il est sûr d'en sortir avec des côtes brisées ou une jambe cassée. Et lorsque ses camarades revenaient à la charge pour le venger, les mêmes arguments leur étaient appliqués. Tant est si bien que les Espagnols finirent par lui attribuer le titre de “ombre de valoir” (un homme de valeur).